• 9 m2 pour deux

Publié le par 67-ciné.gi-2006












9 m2 pour deux
drame de Joseph Cesarini et Jimmy Glasberg

avec :
Nordine B., Mohamed E., Philippe C., Williams M., Christopher M., Kamel M., Mourad A., Roger A., Olivier N. et Bruno V.

durée : 1h34
sortie le 1er février 2006

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Synopsis
Ce film est issu d’une expérience cinématographique menée en milieu carcéral. 9m2 pour deux a été mis en scène dans un décor de cellule reconstituée en studio à l’intérieur de la prison. Dix hommes détenus y deviennent tour à tour interprètes et filmeurs de leur propre vie. Chacun d’entre eux s’exprime ainsi à travers des situations quotidiennes en une série de moments forts : amitié, indifférence, confrontation, solitude…


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Une démarche de formation et d’expression audiovisuelle en prison
Caroline Caccavale (Initiatrice et coordinatrice des “Ateliers” Lieux Fictifs) :
« En prison, le temps est un présent perpétuel. Un temps qui ne peut pas structurer le passé. C’est aussi un lieu où il est difficile d’exercer sa pensée. Pour la personne incarcérée, la prison constitue un moment de rupture de sa propre image et de la représentation du monde extérieur. La télévision en cellule devient alors la seule fenêtre ouverte sur le monde ! La prison est une institution de la République dans laquelle les personnes incarcérées ont des devoirs, mais aussi des droits. Il y a ceux de la formation, du travail, de l’éducation, de la santé…
Mais aussi ceux qui sont constitutifs de l’identité de l’être humain : la pensée, l’imaginaire, la mémoire… Reconnaître ces droits, c’est créer des situations, des contextes, qui donnent les moyens à chacun de les exercer. L’expérience artistique peut être un moyen pour la personne détenue de se ré-envisager, de révéler une autre part d’elle-même. Pour cela, la culture ne doit pas se réduire à un simple vecteur de consommation, de divertissement qui ferait passer le temps et occulterait celui de la peine. Si l’expérience artistique et la culture ont leur place en prison, c’est parce qu’elles ont une place dans le développement de notre humanité profonde ; je dirais une place ici, comme ailleurs. Ce film est le résultat d’une expérience cinématographique qui s’inscrit dans une réflexion et une pratique de l’image en prison menées depuis plusieurs années par Lieux Fictifs, dans les Ateliers de Formation et d’Expression Audiovisuelle au Centre Pénitentiaire de Marseille.
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Le point de départ
Il s’agit d’expérimenter dans le contexte de l’univers carcéral une expression du cinéma de l’intime à l’aide d’une caméra mini-DV. Cela permet de questionner l’acte de filmer, le rapport filmeur-filmé ainsi que la relation entre le réel et la fiction.

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Le choix des personnages
La rencontre avec les détenus s’est faite dans une cellule de détention identique à celle construite pour l’expérience. Chaque candidat devait se raconter en toute liberté face à l’objectif. C’est leur personnalité et leur motivation qui ont déterminé notre choix.

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Filmer l’intime
La mise à distance avec leur intimité s’est jouée grâce à l’espace de la cellule décor. Ce déplacement du réel a permis le travail d’interprétation, et d’échapper au spectacle de la vie privée. Ainsi, ils n’étaient pas dans l’exhibition, mais dans l’élaboration d’une parole, dans la construction d’une image, et dans l’interprétation de leur réalité. Ici, beaucoup de choses échappent au regard, mais ce n’est pas l’Institution qui les a cachées, ce sont les détenus, qui dans le travail d’interprétation, ont maîtrisé ce qu’ils pensaient pouvoir partager.


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La mise en place de l’expérience
Un travail théorique sur la “caméra-poing” et son utilisation a été mis en place, suivi d’une étude technique et pratique de l’outil : composition du cadre, mouvements de caméra exécutés à partir du corps, prise en main à tour de rôle et entraînement quotidien avec l’appareil. D’autre part, une série de visionnage de films ont permis de faire un travail d’analyse sur l’image, la mise en scène, l’interprétation. Parallèlement aux exercices théoriques et pratiques sur la cinématographie, nous avons mis en place un décor construit à l’identique d’une cellule de détention. Cette structure a été fabriquée à l’extérieur et implantée dans le studio* par des décorateurs de cinéma. Ce décor a permis de dépasser le poids des conditions carcérales : effectuer le trajet au travers de la détention, entre la vraie et la fausse cellule a mis une distance physique et psychologique entre vie réelle et interprétation du vécu. Des projecteurs ont été acheminés à l’intérieur de la détention, mis en place et installés par les détenus sous notre direction. Ils ont ensuite été préréglés pour créer les climats lumineux appropriés aux intentions dramatiques de chacune des séquences. Créer de toutes pièces cet espace de jeu a été un élément déterminant. La lourdeur technique du dispositif fictionnel a fait prendre conscience des règles et des lois liées au tournage, ce qui pour des “hors-la-loi” était la base du respect et du travail. Le ludique cinématographique a alors été pris au sérieux.

* En 1997 un studio a été construit au coeur de la détention pour accueillir les ateliers de formation et d’expression audiovisuelles, menés par Lieux Fictifs. Cet espace de 370m2 est composé de plusieurs salles : montage, diffusion et studio de prise de vue. 9m2 pour deux est l’une des expériences cinématographiques développées par Lieux Fictifs dans ces “Ateliers”.

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Le tournage
L’immense possibilité des points de vue* que permet une “caméra-poing”, n’est pas comparable à celles des autres appareils de prise de vue. Cette spécificité entraîne un rapport entre le filmeur et le filmé fondamentalement différent. C'est là que nous pouvions introduire un cinéma de l'intime (voire du corps à corps). Le filmeur ne se cache donc pas derrière sa caméra, il la tient à bout de bras : le regard n’est pas barré par l'appareil. Le filmé garde au premier sens du terme, le contact avec le filmeur. Par essence, le filmé cherche un regard pour s'appuyer, se réconforter dans son image, dans son jeu. Il cherche l’autre pour l’aider à s’exprimer avec ses mots, ses expressions, ses silences. La caméra devient alors le catalyseur de la situation dramatique qui est en train de s'établir. Elle est à la fois provocatrice et réceptrice de l'événement, elle évolue dans l'espace avec le personnage filmé. Enfin, l'utilisation et la contrainte du plan séquence comme style, impose une mise en scène appropriée. Le moment choisi, la tranche de vie se révèle avec force et tension pour capter une émotion authentique. La durée de ce type de plan donne tout son sens à la lourdeur de l’enfermement carcéral. La relation filmeur-filmé s’est précisée avec le temps. Les mouvements du corps, les déplacements ont créé une approche intuitive et sensuelle. Un jeu s'est établi entre les partenaires. Les axes caméra, les déplacements des personnages dans l’espace ont été pré-établis pendant les répétitions. La passation de la caméra de filmeur à filmé faisait partie intégrante du plan-séquence.

* Camera-poing : caméra tenue à bout de bras, le cadrage se faisant sur l’écran à cristaux liquides latéral.

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La direction d’acteur
Joseph Cesarini , Jimmy Glasberg (réalisateurs) : « Notre méthode consistait dans un premier temps à connaître la personnalité et le vécu de chaque personne détenue. Nous avons intégré dans notre démarche le fait qu’ils partageaient, dans la réalité, une cellule de neuf mètres carré identique à celle du décor. Cette situation créait des relations intimes entre eux : c’est leur vécu présent et passé qui a été la source d’inspiration des thèmes choisis. Aucun dialogue n’a été écrit à l’avance. Chaque interprète construisait les dialogues avec ses propres mots depuis sa propre culture. Nous mettions en scène très précisément les déplacements des personnages, avec des mots-clefs qui permettaient à chacun d’eux de “rebondir” dans la scène. Il arrivait que certains détenus aient des difficultés de cohabitation en cellule réelle. Pour interpréter les conflits sans qu’il n’y ait de répercutions dans la vie quotidienne, nous avons toujours mis en avant l’analyse de la situation avec la distance nécessaire pour qu’il n’y ait pas de confusion de la part des interprètes entre fiction et réalité. »

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Le montage
Joseph Cesarini , Jimmy Glasberg : « La structure du film est composée d’une suite de plans-séquence. Chaque séquence régénère la suivante comme une réaction en chaîne. Cette association séquentielle constitue une histoire qui permet au spectateur de retrouver un récit sensible et émouvant. »

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Fiche technique
Réalisation, mise en scène, photographie : Joseph Cesarini, Jimmy Glasberg
Dialogues : Nordine B., Mohamed E., Philippe C., Williams M., Christopher M., Kamel M., Mourad A., Roger A., Olivier N. et Bruno V.
Continuité dramatique et montage : Roger Ikhlef
Son : Pierre Armand
Décors : Atelier Acte II, Renaud Brunel, Olivier Michaud, Christine Falque
Montage son et mixage : Emmanuel Soland
Etalonnage : Alexandra Pocquet
Production exécutive : Marie Balducchi
Production : Agat Films & Cie — Dominique Barneaud, Lieux Fictifs — Caroline Caccavale
En coproduction avec Arte France
Avec la participation du Centre National de la Cinématographie, du Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations FASILD, et le soutien de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’aide de la Régie Culturelle Régionale de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de “Système Friche Théâtre”

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de



remerciements à Mélanie Vincent

logos, textes & photos © www.shellac-altern.org

Publié dans PRÉSENTATIONS

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