• Le bal des chattes sauvages

Publié le par 67-ciné.gi-2006













Le bal des chattes sauvages
comédie de Don Coscarelli


avec :
Johanna Berends, Heidi Oberli, Ursula Rodel, Liva Tresch, Samira Zingaro, Ernst Ostertag, Robert Rapp, Alice Oberli, Käthi Keller, Annette Uehlinger, Manuela Wegmüller, Judith Welter

durée : 1h27
sortie le 11 janvier 2006


à partir du 1er mars au cinéma

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Synopsis
Les femmes attirées par les femmes existaient déjà bien avant qu’on en parle. Cinq femmes suisses de différentes générations partagent leur vécu pour retracer l’histoire d’une minorité pour le moins discrète : leur quête identitaire, leurs relations, leurs lieux de rencontre souvent secrets. Que signifiait “aimer les femmes” quand le mot lesbienne n’existait pas ou qu’il n’y avait pas de “coming out” ?
Photos d’archives et documents d’époque forment un collage qui éclaire avec malice ces interviews. Un regard singulier sur le fait d’être différente et de réaliser sa vie avec bonheur. Le bal des chattes sauvages offre un voyage divertissant à travers cent ans d’histoire et de culture.


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Entretien avec Veronika Minder
Veronika Minder : « J’ai fait le film pour un public curieux de voir comment vivent les autres »

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« Qu’est-ce qui a déclenché ton projet de film Le bal des chattes sauvages ? »

V. M. : « Je connaissais déjà depuis 30 ans Liva Tresch qui a photographié le milieu homosexuel de Zurich dans les années 50 et 60. Comme j’étais au chômage il y a cinq ans, j’avais beaucoup de temps pour réfléchir - et j’ai téléphoné à Liva, pour savoir comment elle allait et lui proposer un article ou une petite exposition autour de ses photos… Elle m’a dit qu’elle était en train de jeter ses archives. Parce que - comme elle me disait - c’était devenu une galerie de morts, les gens (surtout les hommes) étaient morts depuis. Alors j’ai réalisé que les femmes n’ont pas tellement conscience de l’importance de leur vie et de leurs souvenirs, surtout les femmes lesbiennes qui ont vécu longtemps en cachette. J’ai commencé des recherches et je me suis rendu compte qu’en Suisse, il n’existe presque rien sur les femmes qui aimaient les femmes, à part un petit livre sur les associations de femmes dans les années 30. J’ai commencé à mener des enquêtes, d’abord dans le milieu artistique de Berne où vivait la célèbre artiste surréaliste Meret Oppenheim (qui aimait aussi les femmes). Avec mes premières recherches, j’ai contacté la productrice Valerie Fischer à Zurich. Elle s’est alors montrée courageuse et m’a aidé à monter un dossier pour un film documentaire. » 

- « Comment as-tu procédé pour choisir les cinq intervenantes de ton film ? Y a-t-il eu d’autres personnes sollicitées ? Des refus ? »

V. M. : « Comme Liva Tresch connaissait beaucoup de monde dans le milieu, j’ai fait d’autres interviews, avec des femmes mais aussi avec des hommes homosexuels. Une adresse menant à une autre... à la fin j’avais interviewé plus de 50 personnes. La plupart à Zurich et à Berne, mais aussi à Bâle, à Genève, à Lausanne ou Montreux. D’abord, j’avais l’idée de faire un film comme un kaléidoscope, une interview en enchaînant une autre et avec beaucoup de personnes. Mais comme c’est mon premier film et que je n’ai pas d’expérience, ma productrice m’a conseillé de me concentrer sur 5 à 6 personnes... parce que c’est plus facile de faire un film comme ça... et aussi parce que le public peut plus facilement suivre le film et enfin parce qu’on s’identifie plus facilement aux protagonistes quand il y en a peu. En plus, il y a aussi eu des refus de certaines femmes qui ont eu peur qu’on sache qu’elles aimaient les femmes. Il y en a eu une dizaine qui voulaient seulement me raconter leur vie et ne pas afficher publiquement leur orientation sexuelle. »

- « Qu’est-ce qui t’a intéressé dans chacune d’elle (Johanna, Heidi, Ursula, Liva, Samira) ? »

V. M. : « Je me suis concentrée sur des femmes qui ont le courage de se montrer en public et dire: voilà, je suis lesbienne. Liva aime bien raconter sa vie et elle a en plus un dialecte de montagne et une façon de raconter qui font rire - elle est née dans le massif du Gotthard où on est très catholique et aussi très pauvre. Tandis que toutes les autres protagonistes, surtout Ursula Rodel et Johanna Berends sont nées dans un milieu bourgeois et bien éduqué. Heidi Oberli, je l’ai choisie parce qu’elle s’était organisée dans la lutte politique des années 70. Elle a beaucoup milité à la radio et à la télévision suisse en tant que lesbienne quand elle était très jeune. Comme j’ai aussi voulu montrer la situation actuelle, j’ai choisi une jeune, cosmopolite : Samira Zingaro. C’est une suissesse de deuxième génération, son père est palestinien, elle fait des films, étudie l’ethnologie, et s’engage aussi dans un petit festival de films gays et lesbiens à Berne (le festival Queersicht). »


- « Les cinq femmes interviewées sont suisses, leurs propos sont-ils universels ? »

V. M. : « Les 30 dernières années ont beaucoup changé la Suisse. Il y a beaucoup d’immigration, surtout dans les villes où il y a de plus en plus une grande mixité de cultures. La Suisse est un pays avec plusieurs cultures (allemande, française, italienne), les gens ont toujours voyagé et parlent normalement plusieurs langages. Avant la Seconde Guerre Mondiale, les homosexuelles fréquentaient aussi les bars et les clubs de Paris ou de Berlin. Et pendant la guerre il y a eu beaucoup de réfugiés et réfugiées de la famille comme (parmi d’autres) les enfants du célèbre écrivain allemand Thomas Mann, Erika et Klaus, tous les deux gays... Il y a donc une tradition universelle assez longue dans le milieu homosexuel suisse. En plus, les femmes - bien qu’elles puissent voter seulement depuis 1972 - ont pu fréquenter les universités dès 1850 et parmi les étudiantes russes, autour de 1900, il y avait déjà beaucoup de femmes homosexuelles... »

- « A l’image, elles semblent toutes parler sans tabou. Comment se sont passés les entretiens ? »

V. M. : « J’ai fait une cinquantaine d’interviews avec un minidisc ou en vidéo et j’ai choisi les femmes qui étaient les moins timides. Puis pendant les années de recherche, je les ai rencontrées plusieurs fois pour des entretiens. Il faut aussi dire que plus les femmes sont âgées, moins elles ont de difficultés à parler de leur vie. La plus âgée, Johanna Berends, a 94 ans et ne craint plus de dire des bêtises, et encore moins de s’afficher comme lesbienne. Elle est aussi à son âge un peu seule au monde. Elle n’a presque plus d’amies - elles sont toutes mortes. En plus, elle est très militante - toujours - comme féministe, anarchiste, lesbienne et comme pacifiste ! Pendant le tournage, il faut avouer que ça n’a pas toujours été facile parce que j’ai dû me concentrer sur les interviews - et après j’ai réalisé qu’il me manquait d’autres images des protagonistes : on ne les voit presque jamais en privé ou faisant quelque chose. »

- « Ton film est riche d’images d’archives; comment as-tu effectué tes recherches ? »

V. M. : « Comme j’ai travaillé 12 ans dans un cinéma d’Art et d’Essai, je connaissais déjà beaucoup de films classiques. J’organisais aussi un festival de films de femmes et plusieurs journées cinéma avec des films gays et lesbiens. J’avais déjà une longue liste d’images d’archives que je souhaitais mettre dans mon film. J’ai toujours voulu faire de Le Bal des chattes sauvages un film dans lequel des extraits donnent à voir un peu de l’esprit du temps passé. J’ai voulu créer aussi une certaine nostalgie avec les images et la musique de ce temps d’après-guerre, que les jeunes ne connaissent pas tellement. Avec les images trouvées à la télévision suisse — des extraits de courts-métrages, de pub, etc. — j’ai voulu divertir et faire rire le public et, de cette façon, mettre une certaine légèreté dans les histoires, parfois tristes des femmes... »

- « Peux-tu nous expliquer le titre du film et ce qu’a représenté Le Bal des chattes sauvages ? »

V. M. : « J’ai beaucoup cherché pour trouver un titre qui ne soit pas trop long et explicatif tel que « L’histoire des lesbiennes en Suisse » ou une atrocité pareille, avec lequel il n’y aurait eu personne dans les cinémas. Alors, j’avais des listes de titres possibles. Le Bal des chattes sauvages était le nom d’un club pour femmes à Genève, au Centre Nathalie Barney dans les années 80. Ce club était très connu parmi les lesbiennes de toute la Suisse. J’étais - il faut l’avouer - aussi un peu attirée par le double sens... Mais surtout les lieux de rencontre comme celui-là ont toujours été primordiaux pour les femmes »


- « Aujourd’hui, il parait plus facile d’affirmer son homosexualité, cela n’a pas toujours été le cas et ton film le démontre brillamment, penses-tu qu’il y ait des points qui soient encore tabous ? »

V. M. : « Le peuple suisse a voté oui pour le PACS en grande majorité. Mais quand même, nous n’avons pas le droit à l’adoption ! On voit bien là qu’il y a toujours des tabous parmi la population. La majorité des gens sont d’accord pour nous donner des droits que tous et toutes les autres ont déjà depuis longtemps. La majorité hétérosexuelle est assez tolérante mais dans certaines limites quand même. Et parmi les jeunes hommes, je vois parfois une certaine misogynie et homophobie... »

- « Quelle est l’intention de ton film ? »

V. M. : « Mon intention est d’abord de raconter une histoire qu’on ne connaît pas encore. Mais — comme je connais aussi des documentaires qui ennuient — j’ai également voulu divertir. Et j’ai voulu changer un peu l’image qu’on a des lesbiennes. J’espère que j’ai pas mal réussi !? »

- « Adresses-tu ton film à un public en particulier ? »

V. M. : « L’idée a toujours été de ne pas seulement s’adresser aux lesbiennes. Pas seulement aux gens qui savent déjà. J’ai fait le film pour un public curieux de voir comment vivent les autres. Des gens qui s’intéressent au passé, des personnes qui aiment fréquenter les petites salles, avec des programmes un peu autres et des films qui dévoilent des milieux particuliers... »

- « Qu’aimerais-tu que les spectateurs puissent retirer de ton film pour l’avenir ? »

V. M. : « Il y a beaucoup de gens qui, après la projection du film, sont venus me remercier pour mes recherches... mais aussi parce qu’ils ou elles s’étaient bien amusés ou parce que Le bal des chattes sauvages a changé leurs idées sur le monde des lesbiennes et leur a donné des informations et de nouvelles images... »

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Fiche technique
Scénario et réalisation : Veronika Minder
Caméra : Helena Vagnières
Son : Ingrid Städeli
Eclairage : Bruno Gabsa
Montage : Michael Schaerer
Musique : Tina Kohler
Voix off : Lilian Naef
Productrice : Valerie Fischer, Cobra Film AG
Assistante de production : Carola Stern
Photos de plateau : Selina Willemse
Montage on line : Andromeda Film AG, Paul Avondet
Mixage du son : Magnetix Tonstudio, Florian Eidenbenz
Laboratoire/FAZ Schwarz Film AG, Ostermundingen
Graphisme : Andre Schneider
Collaboratrice recherche : Katrin Barben
Collaboratrice scénario : Nadia Fares
Conseil historique : Regula Schnurrenberger, Madeleine Marti, Catherine Gonnard et Ilse Kokula
Rédaction : Paul Riniker et Madeleine Hirsiger, SF DRS
Avec le soutien : Département fédéral de la culture Ville et canton de Zurich, Direction de l’instruction publique du canton de Berne, Service culturel de la ville de Berne, Fond pour la culture de Suissimage

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de


remerciements à Nolwenn Thivault
logos, textes & photos © www.epicentrefilms.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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