The woodsman

The woodsman drame de Nicole Kassell
avec :
Kevin Bacon, Kyra Sedgwick, Mos Def, Benjamin Bratt, David Alan Grier, Eve, Kevin Rice, Michael Shannon, Hannah Pilkes et Carlos Leon
durée : 1h27
sortie le 15 mars 2006

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Synopsis
Après douze années de prison pour pédophilie, Walter (Kevin Bacon) revient dans sa ville natale pour commencer une vie nouvelle. Il s’installe dans un appartement en face d’une école primaire et décroche un job dans une scierie. Note d’espoir dans la solitude des jours, il y rencontre Vickie (Kyra Sedgwick), une femme au franc parler qui refuse de le juger à la lueur de son passé. Mais on n’échappe pas à sa part d’ombre. Walter a perdu tout contact avec une soeur qui désormais le fuit et vit dans la peur que ses collègues ne découvrent un jour son véritable passé. Harcelé par un détective (Mos Def) qui soupçonne quelque lourd secret, Walter doit lutter contre ses anciens démons qui se réveillent lorsqu’il se lie d’amitié avec une jeune fille rencontrée dans un parc.
The woodsman, inspiré d’une pièce écrite par Stephen Fechter et porté à l’écran par la réalisatrice Nicole Kassell, est un film troublant mais fondamentalement optimiste : c’est le portrait d’un être brisé qui tente de revenir parmi les hommes, luttant contre ses pulsions pour sauver – peut-être – son âme.
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Entretien avec Nicole Kassell
- : « Quelle était pour vous l'attrait d'un tel projet ? »
Nicole Kassel : « J'avais vu cette pièce, produite par Arthur Miller à l'Actors Studio en Mars 2000, alors que j'étudiais le cinéma à l'Université de New York. J'avais été frappée par la richesse et la force du propos qui m'a longtemps hanté. Il me fallait le mettre en images. Pour convaincre son auteur, Steven Fechter, de confier son adaptation à la jeune étudiante que j'étais alors, je lui ai soumis un premier scénario : tout a commencé ainsi… »
- : « Passer du théâtre au cinema… Quelle était la difficulté majeure de cet exercice de style ? »
N. K. : « Placer l'action dans un vrai contexte social. Il nous fallait créer des symbolismes visuels - tel celui des oiseaux, par exemple - et surtout se mettre dans la tête de Walter plongé dans cet univers d'acier. La pièce était très minimaliste : Walter ne quittait jamais la scène, les autres personnages restant périphériques. Dans le film, et c'est un changement majeur, nous avons montré son espace de travail. Nous avons également crée de toutes pièces le personnage d'Eve. »
- : « Eve, un personnage très important ici… »
N. K. : « Oui, tout comme la soeur de Walter qui n'apparaissait jamais dans la pièce. Votre montage est souvent audacieux, surtout dans la scène d'amour entre Walter et Vickie et celle où Candy enlève le jeune garçon. Vous utilisez beaucoup le jump-cut. Quelles sont vos influences cinématographiques ? Les films des années 70 m'ont beaucoup marquée. Le montage de la scène d'ouverture, qui dure 14 minutes et dévoile le passé de Walter, s'inspire largement du Guet-apens de Sam Peckinpah. Pour la scène d'amour et son montage jump-cut, j'ai voulu évoquer la légendaire scène de Et ne vous retournez pas de Nicolas Roeg. »

- : « Une scène d'anthologie, puisque les cinéphiles l'évoquent toujours… »
(en riant) N. K. : « Disons que je n'ai pas craint de placer la barre très haut ! Je me suis aussi beaucoup inspirée du réalisme psychologique de Vol audessus d'un nid de coucou de Milos Forman et Cinq pièces faciles de Bob Rafelson. Dans le film de Forman, la caméra est très mobile mais s'inscrit subtilement dans un espace temporel immédiat. J'aime aussi le grain de la pellicule de ces films-là, et cette façon de plonger des mégastars comme Jack Nicholson dans un univers extrêmement réaliste. Plus près de nous, j'ai revu Ratcatcher de Lynne Ramsay et The War Zone de Tim Roth. »
- : « Au coeur du film, un homme énigmatique dont on ne sait s'il va ou non replonger. Comment avez-vous maintenu le suspense sans tomber dans l'exploitation du genre ? »
N. K. : « Il était essentiel à mes yeux de ne jamais répondre à cette question. La vie n'offre aucune réponse, aucun remède. Cette maladie est un combat permanent, comme l'alcool ou la drogue. J'ai voulu montrer un personnage qui lutte de toutes ses forces et poser un seule question : sommes-nous prêts à donner une seconde chance à celui qui est prêt à lutter contre ses démons intérieurs ? Est-ce notre devoir social ? »
- : « The woodsman est aussi votre premier long-métrage… »
N. K. : « Lorsqu'on vient du court, comme moi, on a acquis une véritable expérience sur le terrain. Mais il faut avoir une sacrée force de conviction pour réaliser un premier film ! Tout le monde doute, et vous fait douter. Mais ça y est, on ne dira plus jamais de moi : c'est son premier film. J'ai donné ! »
- : « Pourquoi avez-vous choisi de tourner à Philadelphie ? »
N. K. : « Le tournage a duré 28 jours et nous avons utilisé quinze extérieurs différents. Pourquoi Philadelphie ? Cette histoire aurait pu se passer n'importe où, même à New York où j'habite. Mais j'ai de la famille à Philadelphie, tout comme Lee Daniels (le producteur), Kevin et Eve. Nos techniciens étaient majoritairement de là-bas aussi. Philadelphie - outre sa politique culturelle cinématographique forte - nous a permis de nous sentir en famille. »
- : « Mettre une option sur une pièce de théâtre est une chose. Mais comment avez-vous ensuite trouvé le financement et convaincu de tels acteurs ? »
N. K. : « Le scénario de The woodsman remporta le Prix du Meilleur Scénario au Slamdance Film Festival en 2001, année où je présentais également mon film de fin d'études au Festival de Sundance, The Green Hour. J'étais donc dans l'oeil du cyclone ! Steven et moi avons envoyé le scénario à différents producteurs : Lee Daniels - producteur du film oscarisé A l'Ombre de la Haine - s'est enthousiasmé pour le projet et voulait que je lui en cède les droits. »
- : « A la seule condition d'en signer la mise en scène, n'est ce pas ? »
N. K. : « Absolument. Je lui ai donc projeté mes courts métrages… et voilà ! »

- : « Parlez-nous de votre travail avec Kevin Bacon. »
N. K. : « Lorsque Kevin a accepté le rôle, j'étais au septième ciel ! C'est un acteur très aimé du public et un vrai caméléon dans ses choix artistiques. Dès le départ, il s'est énormément investi dans notre film, jusqu'à suggérer sa femme, Kyra Sedgwick, pour le rôle de Vickie. Nous y avons beaucoup réfléchi avant d'accepter, Lee, Steven et moi, car nous craignions cette image de couple. Mais Kevin et Kyra n'ont jamais fait la une de journaux à scandales, et le grand public ignore qu'ils sont mariés. »
- : « Avez-vous beaucoup répété ? »
N. K. : « Kevin et Kyra ont été d'une rare générosité à cet égard et nous les avons rencontrés à diverses reprises pour discuter de leur personnage avant d'organiser une répétition générale dans un théâtre. Kevin a également tenu à répéter avec Hannah Pilkes, la jeune actrice qui incarne Robin. »
- : « Comment Kevin est-il entré dans la peau de son personnage ? »
N. K. : « C'est un acteur qui s'attache à tous les détails : comment marche-t-il ? Comment parle -t-il, s'habille-t-il ? Il m'a avoué ne pas aimer se donner à fond en répétition, pour garder une part de mystère, de spontanéité. Il est d'ailleurs légèrement différent à chaque prise, mais toujours dans la vérité du personnage. »
- : « Etait-ce difficile de diriger Kevin and Kyra, particulièrement dans les scènes où ils sont encore étrangers l'un à l'autre ? »
N. K. : « Leur intimité n'a jamais faussé leur jeu car tous deux étaient terriblement concentrés sur leur personnage. Une seule fois, en regardant les rushes, j'ai surpris Kevin en train d'embrasser Kyra après la fin de la scène, complice. Ca, c'est Kevin tout craché ! Mais ce n'est jamais arrivé pendant les scènes elles-mêmes. L'intimité peut aussi être un avantage, surtout lorsqu'on filme des scènes audacieuses : la confiance rend le travail moins difficile, plus naturel. »
- : « Mos Def est très étonnant dans le rôle du Sergent Lucas. C'est un personnage de policier que l'on a rarement, sinon jamais, rencontré au cinéma... »
N. K. : « Mos avait tourné dans « A l'Ombre de la Haine », produit par Lee, et je l'avais déjà admiré au théâtre dans Top Dog/Underdog. En réalité, c'était le personnage qui m'inquiétait le plus car je voulais éviter de le rendre trop autoritaire, trop abusif. En l'interprétant de façon aussi juste, Mos m'a fait un des plus beaux cadeaux du film. »
- : « Nombreux sont les personnages (Vickie, Robin) qui ont été des enfants dont on a abusé autrefois, et la caméra montre Candy en train de kidnapper un jeune garçon. Avez-vous fait de nombreuses recherches sur un sujet si délicat ? »
N. K. : « J'ai choisi de ne surtout pas traiter ce sujet légèrement ou naïvement. J'ai interrogé des victimes, leurs familles, des thérapeutes qui tentent de soigner les délinquants sexuels. J'ai même pu assister à des thérapies de groupe. Et même si le film n'est que fiction, j'ai voulu le nourrir de tous ces témoignages réalistes. Je voulais aussi montrer à quel point ce sujet nous touche tous, car malheureusement il s'agit bien de notre réalité sociale. »

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Fiche technique
Réalisatrice : Nicole Kassell
Scénaristes : Steven Fechter et Nicole Kassell
D'après la pièce “The Woodsman” écrite par : Steven Fechter
Directeur de la photographie : Xavier Pérez Grobet
Monteurs : Brian A Kates et Lisa Fruchtman
Musique originale : Nathan Larson
Casting : Billy Hopkins, Suzanne Smith, Kerry Barden et Mark Bennett
Producteur : Lee Daniels
Producteurs exécutifs : Kevin Bacon, Damon Dash Brook et Dawn Lenfest
Coproducteurs exécutifs : Marvet Britto
Coproducteurs : Lisa Cortes, Valerie Hoffman et Dave Robinson
Producteurs délégués : Simone Sheffield et Candice Williams
Directrice de production : Valerie Hoffman
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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de
remerciements à Loïc Rio
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