Sophie Scholl, les derniers jours

AVANT-PREMIÈRE

ne jamais les oublier...
ce film évoque les six derniers jours de la vie de sophie scholl (du 17 au 23 février 1943), pacifiste allemande qui luttait avec son frère hans au sein d'un mouvement étudiant de résistance (la rose blanche), ils ont été dénoncés par le concierge de l'université de munich pour tracts jetés du deuxième étage dans le hall. aussitôt appréhendés et internés par la gestapo, on suit l'interrogatoire psychologique implacable de sophie par le gestapiste robert mohr, jusqu'à la mascarade d'un procès expéditif qui ne laisse aucune échappatoire possible à ces jeunes...
un grand bravo au réalisateur allemand pour avoir sorti de l'oubli tous ces jeunes étudiant allemands résistants qui luttaient à leur niveau contre une propagande nazie incrustée dans tous les maillons de la société allemande. vous serez bouleversés par l'histoire et par le talent d'interprétation de l'actrice julia jentsch qui rend hommage à sophie scholl en restituant au plus juste au sens historique de toute l'énergie de cette militante sans trahir ses idéaux. vous serez tenus en haleine tout au long de ce duel psychologique lors de l'interrogatoire de sophie scholl par robert mohr et je ne doute pas que vous aurez un choc à la vision des scènes de justice (là encore historiquement reconstituées au plus juste) emmenées par le juge assassin roland freisler... un film à voir de toute urgence, pour ne pas oublier tous ces jeunes résistants allemands et de leur rendre hommages pour leurs luttes et leurs dignités...
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LE MEURTRE JUDICIAIRE DE CHRISTOPH PROBST ET DE HANS ET SOPHIE SCHOLL PERPÉTRÉ PAR FREISLER
“La réaction violente de la "justice de la terreur" montre à quel point le régime nazi s'est senti menacé par l'action de La Rose Blanche. Le jeudi 18 février, Hans et Sophie Scholl sont arrêtés et interrogés pendant trois jours, jusqu'au 20 février, avec seulement de brèves interruptions. Le vendredi 19 février, Christoph Probst est arrêté dans les bureaux de la "Studentenkompanie" d'Innsbruck et amené au Wittelsbacher Palais de Munich. Pendant son interrogatoire, le 20 février, il avoue avoir écrit le brouillon d'un texte trouvé sur Hans Scholl, rédigé à la demande de ce dernier. Le lendemain, dimanche 21 février, l'acte d'accusation est établi. L'audience est fixée pour le lundi matin, le 22 février à 10 heures, devant le Tribunal du peuple du Reich (Volksgerichtshof). Bien que siégeant à Berlin, celui-ci se réunira au tribunal de Munich. Le juge présidant l'audience n'est autre que le président du Tribunal du peuple lui-même, le Dr Roland Freisler, qui vient en avion à Munich spécialement pour le procès.
C'est le Gauleiter Paul Giesler qui a fait en sorte que le Tribunal du peuple soit mobilisé pour cette affaire et dans un délai aussi bref. Hans Scholl, Christoph Probst, Alexander Schmorell sont soldats. Ils ne relèvent donc pas de la justice civi- le mais de la justice militaire. Mais dès le 19 février, Giesler contacte le Reichsleiter Martin Börmann à Berlin et informe la Commission spéciale de la Gestapo des résultats de son intervention le jour même à 17 heures : "Le Maréchal Keitel a démis les soldats en question de leurs fonctions à la Wehrmacht et autorise qu'ils soient jugés par le Tribunal du peuple. Le Gauleiter demande à ce que la sentence soit rendue dans les tout prochains jours et l'exécution mise en œuvre juste après", écrit Giesler.
La sentence. L'emploi révélateur de ce mot par Giesler prouve que l'issue de ces "poursuites judiciaires" est claire dès le début. Ni la Gestapo ni la cour n'ont donné aux accusés la moindre chance de prendre un avocat. Leurs familles ne peuvent pas non plus se faire aider puisqu'on ne les avertit ni de l'arrestation ni du procès imminent de leurs proches (les parents Scholl n'en sont informés que grâce à la courageuse intervention de Traute Lafrenz et Jürgen Wittenstein). Le procureur suprême du Reich (Oberreichsanwalt) envoie les actes d'accusation de haute trahi- son à deux avocats désignés par la cour le dimanche après-midi ; le procès est prévu pour le lendemain matin. L'avocat attribué à Hans et Sophie Scholl, August Klein, n'a ni le courage ni l'envie de demander un report du procès qui lui permet- trait de prendre connaissance du dossier et de consulter ses clients. Else Gebel rapporte l'attitude lamentable de ce dernier. Il rend une visite purement formelle à Sophie dans sa cellule pour lui demander si elle a des souhaits particuliers, rien n’est envisagé sur une possible stratégie de défense. Sophie veut seulement savoir si elle va être pendue en public ou décapitée et qu’il lui confirme que son frère a le droit d’être exécuté par balle. Ces choses demandées calmement, et qui plus est par une jeune fille, atterrent totalement August Klein. L'avocat de Christoph Probst, Dr Ferdinand Seidl, réclame au moins à la cour que le procès de son client soit séparé du procès principal contre les Scholl, mais ses efforts restent vains.
Le procès, le lundi matin, n'est pas prévu à huis clos. Cependant, la Gestapo et les magistrats nazis craignent les réactions imprévisibles d'un public qu'ils n'auraient pas soigneusement sélectionné. Le procès n'est donc pas public. Les bancs sont occupés par des membres d'organisations nazies délégués spécialement. L'auditeur de justice (Gerichtsreferendar) Leo Samberger, l'un des rares témoins indépendants, raconte le malaise dans l'assistance : "La tension se lisait sur tous les visages. Je ne crois pas me tromper en affirmant que la plupart étaient blancs de peur – une peur qui émanait du bureau du juge." Le concierge de l'université, Schmied, aux côtés des commissaires de la Gestapo Robert Mohr et Anton Mahler doivent comparaître comme témoins, mais ils ne seront pas entendus. Le procu- reur, le Oberreichsanwalt Weyersberg, le juge ainsi que les avocats de la défense forment un tableau silencieux derrière le protagoniste en robe rouge. "Se déchaî- nant, vociférant, hurlant à s'en casser la voix, bondissant avec fureur encore et encore", voilà la description que le témoin Leo Samberger fait de Freisler à la tête du Tribunal du peuple. Pourtant, face à lui, les accusés ne semblent ni intimidés ni affaiblis. "L'attitude des accusés a suscité une profonde impression, pas seulement chez moi. C'étaient manifestement des gens emplis de leurs idéaux. De façon calme, posée, claire et courageuse, ils répondaient aux questions parfois odieuses posées par le juge, qui s'est comporté tout du long comme un procureur et non comme un juge."
Freisler a catégoriquement refusé d'accorder une audience aux parents de Hans et Sophie Scholl, qui s'efforçent d'entrer dans la salle du procès, et les fait évacuer par des huissiers. L'attitude effroyable de Freisler est particulièrement évidente dans sa façon de traiter Christoph Probst. Même d'après les conclusions de la Gestapo, Probst n'a participé ni à la peinture de slogans sur les murs ni aux distri- butions de tracts, qui constituent les principaux chefs d'accusation. Son implication se limite à un texte trouvé sur Hans Scholl, que Probst a rédigé à la demande de celui-ci, mais qui n'a pas été reproduit. Personne, à part Hans Scholl ne l'a lu. Probst a avoué et affirmé avoir écrit le texte dans un état de dépression psycho- tique parce que sa femme venait d'accoucher dans de grandes douleurs et souffrait encore de fièvre. Père de trois enfants, il implore la cour de lui épargner la vie. Lorsque Hans Scholl demande, dans son ultime déclaration, grâce pour Probst, Freisler lui coupe la parole avec ces mots : "Si vous n'avez rien à dire pour vous- même, taisez-vous !" Par sa façon de conduire le procès et les sentences de mort qu'il prononce, y compris à l'égard de Christoph Probst, Freisler montre sans ver- gogne que ses décisions relèvent de l'arbitraire le plus absolu, sans aucun souci de justice. Le message est : le Tribunal du peuple détruit physiquement non seulement ceux qui, comme les Scholl, font de la résistance et le reconnaissent, mais égale- ment ceux qui sont idéologiquement proches ou amis de ceux qui font de la résis- tance. La liberté de pensée n'a plus cours. Dans un mémo joint au dossier à l'inten- tion de Freisler, un fonctionnaire de la Gestapo a reproduit le commentaire de Hans Scholl sur le président de la cour : "Scholl décrit le procès comme une farce abso- lue."
La déclaration unanimement approuvée par tous les groupes du Parlement allemand (Bundestag) le 25 janvier 1985 correspond exactement à ce qui s'est produit au procès de Munich en ce matin du 22 février 1943, à savoir que "l'institution dési- gnée comme Tribunal du peuple n'était pas une cour de justice au sens constitu- tionnel mais un instrument de terreur utilisé pour imposer la dictature nationale- socialiste."
Freisler annonce la sentence à 12h45. "En temps de guerre, les accusés ont appe- lé, dans des tracts, au sabotage des armements et à la destruction du modèle de vie national-socialiste de notre peuple. Ils ont propagé des idées défaitistes et insul- té de façon éhontée notre Führer, préférant ainsi les ennemis du Reich et sabotant notre capacité de défense. Ils seront donc punis de mort. Ils sont déchus de leur citoyenneté à jamais."
La demande de grâce que Leo Samberger aide Robert Scholl à rédiger n'est pas prise en considération. Néanmoins, Robert Scholl et sa femme sont autorisés à rendre visite à leurs enfants à Stadelheim. Les parents ignorent encore que les exécutions sont prévues pour le jour même.
Christoph Probst n'a pas la possibilité de dire au revoir à sa famille. Il est baptisé au dernier moment par un prêtre catholique. Le gardien de cellule autorise les trois amis à fumer une dernière cigarette ensemble. A 17 heures, Sophie, Hans et Christoph sont décapités par le bourreau Reichart.
Freisler a condamné à mort six personnes du cercle de la Rose Blanche : Hans et Sophie Scholl et Christoph Probst, tous trois jugés lors du premier procès le 22 février 1943, ainsi que Alexander Schmorell, Willi Graf et le professeur Kurt Huber au second procès le 19 avril 1943. Au total, le premier conseil du Tribunal du Peuple, présidé par Freisler, a prononcé 2 295 sentences de mort entre 1942 et le décès de Freisler en 1945. Le 3 février 1945, jour de sa mort, Freisler était encore occupé à "rendre justice". Lors d'une interruption de séance, il a été tué par un tir de shrapnel pendant un raid aérien sur Berlin.”
Ulrich Chaussy, journaliste et écrivain Extraits du livre Sophie Scholl – Die letzten Tage, édité par Fred Breinersdorfer, publié également par Fischer Taschenbuch le 23 février 2005 Avec l'aimable autorisation de S. Fischer Verlag GmbH