Un año sin amor

Un año sin amor drame de Anahí Berneri (interdit au -16 ans)

avec :
Juan Minujín, Mimí Ardú, Javier Van De Couter, Carlos Echevarría, Bárbara Lombardo, Osmar Núñez, Ricardo Merkin, Carlos Portaluppi, Ricardo Moriello, Juan Carlos Ricci, Verónica Pagés et Mónica Cabrera
durée : 1h35
sortie le 19 avril 2006

au cinéma
à partir du mercredi 31 mai 2006
pour 2 semaines
à partir du mercredi 31 mai 2006
pour 2 semaines
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Synopsis
Buenos Aires, 1996.
Pablo est un jeune poète qui n’a pas encore été édité. Plutôt bien dans son époque, il partage avec une tante un peu folle un appartement dont son père paie le loyer. Pablo a le sida, dès lors quel(s) sens donner à sa vie ? Il va commencer à écrire. Dans son journal de bord, il jette ses interrogations, sa propre transformation, les nouveaux traitements, les désirs d’amour extrême, ses fantasmes cuir.
À travers les rencontres, les annonces sur le net, le sexe sm, il explore la liberté du corps, la recherche de l’amour et la peur de le perdre, la mort omniprésente. Il inscrit là son envie de vivre.
Un jour, l’autobiographie de Pablo est publiée. Rappel : 1996, année de l’apparition des trithérapies, marque une étape importante dans le traitement du vih.
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Questions à Anahí Berneri
Florence Fradelizi* : « Pour votre premier long-métrage,vous avez choisi d'adapter le livre de Pablo Perez, pour quelles raisons ? »
Anahí Berneri : « Je travaillais alors, à travers différents aspects, sur le thème des genres. Je prenais des photos de scènes érotiques entre hommes et en même temps, je produisais une émission de télévision Magazine gay. Ces exercices m’ont amenée à développer un regard extérieur, j’étais devenue une sorte d’espionne qui travaillait en retrait. C’est dans ces circonstances, lors d’une interview, que j’ai connu Pablo Perez, l’auteur du livre. J’ai vite senti que je pouvais raconter son histoire de mon point de vue féminin. Connaître cet univers si lointain et le reconsidérer représentait pour moi un défi. La relation entre fiction et réalité et l’absence de pathos avec laquelle il racontait son histoire dans son livre m’avait beaucoup impressionnée. »
F. F. : « En France, les livres d'auto-fiction autour du sida ont marqué toute une époque (Hervé Guibert, Guillaume Dustan). est-ce pareil en Argentine ? si oui, cela vous a-t-il influencée ? »
A. B. : « En Argentine, les auteurs qui se sont consacrés à l’auto-fiction n’ont pas été aussi remarqués que Guibert ou Dustan. La publication de ces auteurs, y compris de Un Año sin amor (écrit en 1996 mais publié plus récemment, en 1999) est postérieure à l’apparition des trithérapies, et c’est la raison pour laquelle ils ne parlent pas de la souffrance d’une maladie mortelle mais de la manière de vivre avec le virus. J’ai lu ces auteurs, en particulier Guibert après l’adaptation du roman, mais je conçois que Pablo Perez qui a vécu à Paris dans les années 90 ait été influencé par cette vague littéraire.
Le roman se déroule pendant une période de transition où la peur de commencer un traitement se fait ressentir. Ce qui m’a le plus intéressée dans le livre de Pablo Perez, c’est le personnage central qui cherche à lutter et non à souffrir ; il est dans la recherche permanente d’un remède contre le sida, d’un traitement efficace, et ce, quelle qu’en soit la forme : médicaments, caresses ou coups de fouets. »

F. F. : « Comment avez-vous travaillé avec Pablo Perez ? »
A. B. : « Écrire avec Pablo Perez était très important pour le projet, non seulement pour ses apports littéraires mais aussi pour son aide dans les repérages. Avec lui, j’ai pu me rendre à l’hôpital où il a suivi son traitement, approcher le club cuir dont il est membre et encore d’autres lieux que l’on voit dans le film et qui appartiennent à l’univers gay de Buenos Aires. »
F. F. : « La distance que vous installez,vous était-elle nécessaire pour filmer au plus juste son univers ? »
A. B. : « Oui, j’ai voulu être honnête et en tant que réalisatrice, je ne voulais pas prendre le point de vue de Pablo ou faire semblant d’être lui, je désirais donner mon regard de femme. »
F. F. : « En tant que femme et réalisatrice, comment avez-vous vécu cette immersion dans le milieu gay et sm ? »
A. B. : « Au début, cela n’a pas été facile, mais beaucoup de personnes de la communauté gay m’ont fait confiance et m’ont aidée à concrétiser ce projet. Le monde SM, je l’ai approché grâce à Pablo Perez, mais j’ai d’abord dû le faire déguisée et cachée (parce que les clubs de Buenos Aires n’acceptent pas les femmes). Au départ, je regardais tout cela avec crainte, avec mes préjugés, et ceux qui me rencontraient faisaient la même chose. Mais en connaissant les gens, mon regard a complètement changé. Ainsi, j’ai pu comprendre le sm comme jeu sexuel avec des tenues et des codes fascinants. Aujourd’hui, je suis contente d’avoir intégré ces scènes plus documentaires cela apporte le réalisme nécessaire au film. Je me rappelle avoir dit : Si vous voulez que ce soit bien fait, il faut que vous me montriez le vrai esprit cuir, il ne faut pas tricher sinon il ne faudra pas venir se plaindre. Et ils ont fait ce qu’il fallait. »
F. F. : « Comment Pablo Perez ressentait-il, lui, le fait de voir son roman adapté au cinéma par une femme, étrangère au milieu gay et sm ? »
A. B. : « Il dit toujours qu’au moins, on aime tous les deux les hommes. Je sais qu’il est très heureux du résultat. »
F. F. : « Vous avez choisi de garder pour le film le contexte de l'année 1996, est-ce par fidélité au roman ou vouliez-vous mettre l'accent sur cette période : l'arrivée de nouveaux traitements et des trithérapies ? »
A. B. : « Je souhaitais mettre l’accent sur cette période qui a changé l’histoire du sida. Dans le film, le personnage surpasse sa peur en commençant un traitement dont il ne sait pas s’il améliorera sa santé ou lui fera plus de mal, quelque chose d’assez courant à cette époque. Il utilise son corps comme une sorte de laboratoire où il va essayer différentes thérapies, médicales, amoureuses, sexuelles et ce sont elles qui remplissent son quotidien. »

F. F. : « Le film aborde la quête d'amour d'un jeune homme plutôt seul. le sexe sm, comme pulsion de vie, croyez-vous que c'est ce qui permet à pablo de continuer à vivre et de trouver un peu d'amour ? »
A. B. : « Il y a une phrase où le personnage dit à peu près ceci : … Ce quotidien est avant tout une recherche d’amour et une perte d’amour, le désir et la peur face à la mort. Qu’est-ce que je raconte ? Peu importe… Je ne sais plus quoi écrire pour me distraire. Cette incertitude humaine, cette recherche, est l’idée centrale du film, bien plus que ne le sont les thèmes de la maladie, du monde gay ou du cuir. »
F. F. : « En s'exposant à la douleur consentie, est-ce une manière pour le héros de se réapproprier son corps, de recouvrir la liberté face à la maladie qu'il subit ? que cherche pablo dans le monde sm : des limites, l'amour, la vie ? »
A. B. : « Le personnage de Pablo dans le monde sm possède un pouvoir sur son corps, il peut arrêter la douleur des coups par des codes et une pratique consensuelle. En revanche, dans la vie réelle son corps n’est pas libre mais au contraire esclave de la maladie. Pour Pablo, le fait d’être esclave est une manière de livrer son corps aux bras d’un autre. Il n’a pas à décider lui-même à un moment de sa vie où tout questionnement le terrifie. Le rôle de maître est à la fois, dans le monde sm, le dominant mais aussi le protecteur. Pablo recherche dans les pratiques sm une manière d’être plus fort, de vaincre sa peur et d’oublier les coups qu’il reçoit dans sa vie. »
F. F. : « Et dans l'écriture de son journal ? »
A. B. : « L’écriture du journal est une sorte de catharsis, une façon de graver ce qu’il croit être les derniers jours de son existence. »
F. F. : « Quel sens revêt vraiment le titre Un año sin amor ? »
A. B. : « Dans le film, la question de la vie amoureuse de Pablo est la seule qui ne trouve pas de réponse ; c’est une perpétuelle recherche de l’amour. Pendant l’année où se déroule le film, Pablo ne rencontre pas l’amour mais, à travers sa quête et les rencontres sexuelles qu’il vit, il arrivera à se sentir plus fort et vaincra ses craintes. »

F. F. : « Comment avez-vous trouvé votre acteur principal Juan Minujín ? »
A. B. : « La distribution des rôles s’est faite essentiellement au Teatro Off de Buenos Aires. Juan Minujín fait partie d’une troupe de danse-théâtre qui travaille sur le thème de l’érotisme dans ses différents spectacles. Je crois que cela a été très bénéfique pour le personnage, non seulement pour les quelques scènes de nus ou érotiques mais aussi pour la précision des gestes que l’acteur voulait donner à ce personnage. Pablo a une espèce d’armure qui l’aide à traverser les évènements qu’il vit. »
F. F. : « Comment avez-vous travaillé avec lui pour arriver à cette justesse de ton, cette véracité du jeu ? »
A. B. : « Je l’ai fait participer à mes recherches. Juan Minujín est venu avec moi dans tous les endroits où les scènes du roman se déroulent et il a connu les personnes là-bas. Mais je n’ai pas fait ce travail uniquement avec lui mais aussi avec plusieurs acteurs de rôles secondaires. Par exemple, l’acteur qui interprète le médecin a rencontré le vrai médecin de Pablo, d’ailleurs il porte sa blouse pour interpréter le rôle. Et puis, presque toutes les scènes ont été répétées avant le tournage et cela m’a permis d’être plus confiante pour mon premier long métrage. »
F. F. : « Le scénario a-t-il évolué durant le tournage ? »
A. B. : « Non, il n’a pas été modifié, que ce soit sur le tournage ou au montage. Il a seulement été enrichi de notre expérience. »
F. F. : « Pourquoi avoir tourné Un año sin amor en 16mm ? existe-t-il une relation entre la technique du 16mm, l'atmosphère et la dominante bleue du film ? »
A. B. : « L’image a été traitée par un procédé appelé Skip Bleach qui, ajouté au gonflage en 35mm, lui permet d’avoir plus de grain et une légère déssaturation des couleurs. Nous avons fait ce choix avec Lucio Bonelli, le chef opérateur, afin de donner cette atmosphère mélancolique et rugueuse et aussi pour donner le sentiment que l’histoire ne se déroule pas aujourd’hui, mais en 1996, sans avoir à forcer sur le côté artistique du film. La déssaturation nous a également permis de tourner les scènes de cuir, que personnellement j’avais toujours imaginées en noir et blanc. »
F. F. : « Quels sont vos projets ? »
A. B. : « Encarnación, un film où il sera encore question de sexualité… »
*Co-programmatrice du Festival de Films Gays et Lesbiens de Paris
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Fiche technique
Réalisation : Anahí Berneri
Scénario : Anahí Berneri et Pablo Perez
Production : Bd Cine Srl
Producteurs : Diego Dubcovsky, Daniel Burman et Maximiliano Pelosi
Son : Javier Farina
Image : Lucio Bonelli
Montage : Alex Zito
Musique : Leo García et Martin Bauer
Maquillage : Oscar Mulet et Diana Tittaferrante
Costumes : Roberta Pesci
Assistant de réalisation : Luis Bernardez
Production exécutive : Diego Dubcovsky et Sebastián Ponce
Direction artistique : Maria Eugenia Suero
Co-production : Walter Tejblum
présentation réalisée avec l’aimable autorisation de
remerciements à Alexandra et Nolwenn Thivault
logos, textes & photos © www.epicentrefilms.com