Un an

Un an thriller de Laurent Boulanger

avec :
Natalia Dontcheva, Denis Podalydès, Hippolyte Girardot, László Szabó, Bernard Blancan, Julie Debazac, Michel Scotto Di Carlo, Tamara Krcunovic, Frédéric Bouchet, Jean Bédouret, Jean Echenoz et Joël Barcq
durée : 1h38
sortie le 28 juin 2006
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Synopsis
Victoire se réveille un matin en découvrant le corps de son compagnon, Félix, gisant sur le parquet de la chambre. Sans parvenir à reconstituer le cours des dernières heures, mais persuadée de n’y être pas complètement pour rien, elle décide de prendre la fuite.
Où qu’elle se trouve alors, tous ponts coupés, un certain Louis-Philippe sait pourtant curieusement toujours la retrouver et la tient informée des suites de l’affaire.
Mais Louis-Philippe ne dit pas tout. Que cache-t-il ? Qui est qui ? Qui ment, affabule, dément, qui est le dément de l’autre ?
Et que s’est-il réellement passé ?

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Conversation entre Laurent Boulanger et Jean Echenoz
Laurent Boulanger : « Je me souviens d’une projection de montage où tu étais venu. Tu en étais ressorti dans un drôle d’état, assez déboussolé. »
Jean Echenoz : « Oui, j’ai eu une drôle d’heure, après cette projection. Parce que j’ai été perdu très, très loin. »
L. B. : « Ce moment, dans mon souvenir, m’intrigue toujours. Tu me disais avoir eu l’impression ici et là d’avoir parcouru, en images, certains des lieux, des décors que tu avais pu déjà traverser en écrivant le roman. Alors même que les chemins et les étapes empruntés par le personnage diffèrent, dans le film, de ceux du roman. »
J. E. : « Il y avait en effet des choses qui curieusement collaient assez justement. Alors que je peux dire que rien ne colle, au vrai. C’est assez drôle parce qu’il arrive que je parle de ce livre et que j’en parle comme d’un film. Un an, c’est venu après Les Grandes Blondes et j’avais l’impression d’avoir écrit ces deux livres comme si je tournais deux films avec des moyens totalement différents. Pour moi Les Grandes Blondes, dans mon souvenir, c’était un film en Scope et Technicolor, avec son Dolby et tout, alors qu’ Un an, c’est comme si j’avais tourné caméra à l’épaule, en 16mm noir et blanc, avec une image un peu rayée et granuleuse, bref pas de première classe quoi. Ça c’est le souvenir de mon tournage personnel. Mais ce qui m’avait frappé quand j’avais vu le film en projection, c’est que bien qu’il ne corresponde pas aux conditions de mon tournage personnel, il y avait des superpositions qui me frappaient. Ça ne me paraissait pas seulement une adaptation, mais il y avait certains croisements où ça collait. Ça collait, mais en fait dans le souvenir que j’avais de mon roman, pas de ce que j’appelle mon tournage personnel, parce que finalement l’image que je m’en fais de ce tournage, je ne peux pas me la projeter, c’est juste une image. Et puis aussi, parce que j’avais lu le scénario, je pensais que c’était vraiment une autre version, de l’affaire. Et quand j’ai vu le film, c’est ça qui m’a touché à plusieurs moments, il y avait des croisements très jumeaux. »
L. B. : « Tu veux dire plus qu’avec le scénario ? »
J. E. : « Oui, je trouve. Or, dans le scénario que je connaissais au fond ça reprenait assez fidèlement le livre... enfin de moins en moins d’ailleurs. »
L. B. : « Oui, si on considère certains faits, quelques-unes des rencontres ou tels épisodes dans le parcours du personnage. Mais cela dit, et avant tout, le film comme le livre sont faits du même corps et de ces mêmes quelques mois particuliers de la vie du même personnage que l’on a choisi, à deux moments différents, moi après toi, de regarder. J’ai toujours eu l’impression qu’adapter ce roman c’était d’abord ça, approcher, observer et suivre à mon tour ce personnage que quelqu’un a regardé avant moi. C’est vraiment de là, d’elle qu’est né pour moi tout le désir de ce film. Un film entièrement tourné vers elle, resserré sur elle – de ce point de vue d’ailleurs exactement comme l’était le roman. Mais pour revenir à ce que tu appelles les conditions de ton tournage personnel : je n’ai pas fait le choix du 16mm, et même si les conditions de tournage de mon film ont été aussi maigres que celles qui amènent généralement à penser ce type de support, le film est en Scope, pas dans cette direction caméra à l’épaule que tu citais tout à l’heure... »
J. E. : « Oui oui, non mais justement. Ce n’est pas du tout les mêmes conditions de tournage, les tiennes et les miennes, sur ce projet qui bizarrement est le même, alors qu’il est tout à fait différent. Parce qu’en fait moi je n’ai pas de conditions de tournage à proprement parler, j’ai simplement une espèce d’oeil comme ça, une fois que le livre est fini. »

L. B. : « Si on veut s’amuser à continuer le jeu des différences, ce qui est toujours évidemment tentant dans le cas d’une adaptation, il y a un personnage que j’aimais beaucoup et qui dans le film a disparu. C’est Noëlle Valade, la fantasque et aérienne propriétaire du pavillon de Saint- Jean-de-Luz qu’elle loue à Victoire sans beaucoup de conditions. Elle était dans le scénario, les séquences ont été tournées, mais finalement elle n’est pas dans le film. »
J. E. : « Comme l’histoire des balles de golf. »
L. B. : « Oui, mais les balles de golf, elles, n’ont jamais vraiment été très longtemps dans le scénario. Et ça bien avant que je ne décide que Victoire irait plutôt louer un appartement en plein centre de Bordeaux. »
J. E. : « Ces scènes dans le pavillon avec les balles de golf, j’ai à peu près la bobine complète. La scène où la vitre de la voiture de Louis-Philippe est cassée par une balle de golf, c’est quelque chose que je voyais très précisément. C’est pour ça que les croisements avec le film étaient surprenants. Je vais enfoncer une porte ouverte mais est-ce qu’on pourrait dire que plus ça s’écarte, plus ça se rapproche ? En fait je crois que tout lecteur devient l’auteur du texte qu’il lit. Mais toi, c’est redoublé parce que non seulement tu deviens l’auteur en tant que lecteur, mais tu deviens aussi l’auteur en tant que réalisateur du film. »
L. B. : « Pour Un an, tu avais choisi d’achever le roman de manière parfaitement ouverte, si bien que le lecteur peut repenser, relire ou donc d’une certaine manière réécrire, comme tu dis, toute l’histoire à partir de cette fin. Une fois refermé le livre, on reste face à cette question : mais qu’est-ce qui a bien pu se passer, pour de vrai ? Il se trouve qu’il peut y avoir deux ou trois lectures possibles et raisonnables de toute l’histoire. Avant que je n’aie l’idée d’un film autour de toute cette affaire, j’ai d’abord été un de ces lecteurs disons déconcertés ou intrigués. Et quand un peu plus tard je décide d’adapter ce roman, le film que je commence à échafauder gardera forcément des traces de cette première lecture et de cette interprétation que j’avais pu me faire de la fin. Pour ainsi dire, c’est de la fin du roman que débute puis s’articule tout le film. C’est cette lecture particulière que je fais qui conduit et guide le fil de ces quelques mois dans la vie de Victoire que le film raconte. Et puis à la re-lecture du roman, j’avais aussi cette impression que toute cette histoire, tout ce qui se passait semblait composé comme si c’était le personnage lui-même qui nous racontait après coup ce qui lui est arrivé, en réservant une sorte de suspense quant à l’issue. »
J. E. : « Est-ce que je t’avais raconté cette chose qui m’était arrivé... C’était pour Lac, je crois. Une fois j’ai rencontré un type qui me dit voilà, il y a un passage d’un de vos livres que j’ai trouvé formidable. Bon, moi j’étais content, et il me raconte une scène, celle qu’il avait trouvée tout à fait à son goût... Mais je ne reconnais absolument pas la scène. Et je ne peux pas la reconnaître, c’est impossible. Au bout d’un long moment quand même je me dis ah oui, il doit vouloir parler de telle scène. Le type me racontait la scène, il trouvait ça vraiment très bien, et il avait changé les noms des personnages, les sexes des personnages, ce qu’ils se disaient, ce qu’ils faisaient, le lieu où ça se passait, il n’y avait plus rien. Et moi je trouvais ça génial, parce que je me suis dit ce type a réécrit le livre et il l’a réécrit dans une espèce de dimension de plaisir au point qu’il se retrouve à me le raconter, pour me faire plaisir ou je sais pas, enfin bref en me racontant quelque chose qui n’avait strictement rien à voir, je me disais qu’il était devenu à son tour l’auteur du livre. En fait, c’est un peu la position dans laquelle tu te trouves. »
LB : « Oui, je trouve. Mais cela dit, je n’ai pas l’impression d’être parti aussi loin que ça ! »
J. E. : « Mais c’est toujours troublant, de voir les acteurs aussi. Moi je ne les voyais pas comme ça, évidemment. »
L. B. : « Assez vite après notre première rencontre, je t’avais envoyé plusieurs photos de comédiennes, autour desquelles j’apercevais la figure de Victoire, une sorte de casting imaginaire et inimaginable. »

J. E. : « Je me souviens bien, oui. »
L. B. : « Il y avait Louise Brooks. Il y avait Claudette Colbert aussi, des filles comme ça, ou encore Norma Shearer, Irène Dunne, Ingrid Bergman échappée de La maison du Docteur Edwardes. Sans parler de Janet Leigh, dans Psychose, avec ce personnage en fuite auquel tout le début du roman me faisait penser. Bref, il y a d’abord eu ça entre nous, ces échos de comédiennes rêvées. »
J. E. : « Moi la fille, je la voyais comme une espèce de Pearl White moderne. Je ne sais pas si je te l’avais dit. »
L. B. : « Ah non, je m’en souviendrais. Pour le personnage de Louis-Philippe, on s’était amusé à évoquer Elisha Cook Jr., ce comédien habitué aux rôles de seconds couteaux, en particulier dans Le Grand Sommeil. Mais non, pas Pearl White. »
J. E. : « Il y a très longtemps j’avais trouvé une photo d’elle... Et puis elle est enterrée en face de la Cinémathèque de Chaillot quand même, dans le cimetière de Passy qui surplombe le Trocadéro. Où il y a Fernandel, aussi. »
L. B. : « Et Pearl White ! »
J. E. : « Fernandel et Pearl White, voilà. Ça fait un casting, non ?! »
L. B. : « Et justement, à propos de comédiens... Cette expérience de faire l’acteur, alors ? Dans mon souvenir, il y a eu un moment où tu m’avais dit que tu aimerais bien que je te propose un petit quelque chose à jouer. »
J. E. : « Oui, un petit rôle... Je le savais déjà mais ce que j’ai définitivement compris c’est que franchement j’ai bien fait de ne pas choisir cette carrière ! L’idée m’amusait mais... ce n’est pas pour moi. »
L. B. : « Au final, tu étais très bien. »
J. E. : « Ah... Mais je le ferai plus. C’était mes adieux. »
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Fiche technique
Scénario, adaptation & dialogues : Laurent Boulanger
D’après le roman de : Jean Echenoz (Éditions De Minuit)
Image : Olivier Chambon
Décors : Véronique Barnéoud
Montage : Albane Penaranda
Musique originale : Foreign Office
Son : Dana Farzanehpour, Emmanuel Angrand et François Groult
Costumes : Monique Proville
Premier asistant réalisateur : Dominique Talmon (A.f.a.r.)
Scripte : Carole Kornmann
Casting : Aurélie Guichard
Maquillage : Véronique Clochepin
Régisseur général : David Hurst
Produit par : Anne Bennet
Coproducteur : Bruno Solo
Coproduction : Noodles Production et Solo Mio Production
Avec la participation : du Centre National de la Cinématographie (C.n.c.)
Avec le soutien de : la Procirep, de la région aquitaine et du département des Landes
Distribué par : Zélig Films
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