Watermarks

Watermarks documentaire de Yaron Zilberman

avec :
Judith Haspel, Trude Hirschler, Anni Lampl, Hanni Lux, Ann Marie Pisker, Nanne Selinger, Greta Stanton et Elisheva Susz
durée : 1h17
sortie le 28 juin 2006
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Synopsis
L'Hakoah (« La force » en hébreu), fut fondé à Vienne en 1909, par réaction au célèbre paragraphe aryen qui interdisait aux clubs de sport autrichiens d'intégrer des athlètes juifs et devint l'un des plus grands clubs de sport de l'Europe de l'entre deux guerres. Dans les années 30, les plus grands succès de l'Hakoah furent remportés par ses nageuses, qui dominaient la compétition nationale en Autriche. Après l'Anschluss, les Nazis ont fait fermer le club. Les nageuses réussirent à fuir le pays avant que la guerre n'éclate, grâce à une opération de sauvetage organisée par les sportifs de l'Hakoah.
65 ans plus tard, 7 membres de l'équipe féminine de natation se retrouvent dans leur ancienne piscine à Vienne, un voyage qui évoque à la fois les souvenirs de leurs jeunes années, leur féminité affirmer et qui leur permet de renouer les liens de toute une vie.

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Note d'intention du réalisateur
Yaron Zilberman : « La première fois que j'ai entendu parler du club de sport de l'Hakoah de Vienne, c'était dans un livre sur l'histoire du football. Le passage mentionnait un club juif de football, dont les joueurs arboraient une étoile de David et dont la majorité des adversaires étaient antisémites. Le club a connu des débuts modestes dans la Vienne de l'entre-deux guerres. Mais en l'espace de dix saisons, il est devenu la première équipe étrangère à battre une équipe anglaise sur son sol. Le club est alors devenu un symbole de la fierté juive dans l'ensemble de l'Europe et au-delà. J'avais jusqu'alors perçu les Juifs d'Europe d'avant l'Holocauste comme une communauté plus attirée par les joutes intellectuelles que sportives. La lecture des exploits sportifs de l'Hakoah de Vienne fut une véritable révélation. Soutenu par une communauté juive fière et dynamique, l'Hakoah était l'antithèse complète de ce que j'avais pu imaginer auparavant. A la haine, l'Hakoah répondait en arborant l'étoile de David sur la poitrine et réfutait par l'excellence physique une idée fausse. Cette extraordinaire histoire se devait d'être racontée au cinéma...
Je me suis rendu en Israël et j'ai effectué des recherches sur l'histoire du club. Cette recherche m'a amené à Vienne, Stockholm, Paris, Londres, Tel-Aviv et New York. Le Président de l'Hakoah, le Dr. Körner, avait fondé en 1938 une amicale - Brit Hakoah 1909 - afin de maintenir les liens entre les membres du club. L'association publiait des revues, organisait des rencontres et avait archivé l'histoire du club dans les moindres détails. J'ai obtenu une liste des membres de l'Hakoah encore en vie, âgés entre 80 et 107 ans, et j'ai commencé à les interviewer. C'est à partir de ces rencontres que le projet a pris forme. La majorité de ces membres étaient des femmes qui avaient appartenu au club de natation dans les années 30. Après le déclin de l'équipe de football en 1927, elles étaient devenues le porte-drapeau l'Hakoah. Dans les années 30, la natation était l'un des sports phares en Autriche. Les bonnes nageuses étaient élevées au rang de stars comme Hedi Bienenfeld, championne de brasse et l'un des mannequins les plus en vue d'Autriche, admirée pour sa beauté et sa personnalité flamboyante et l'excentrique Fritzi Löwy, bohémienne, lesbienne et nageuse au mental.
Les femmes que j'ai interviewées comptaient parmi les meilleures compétitrices de l'époque. A l'apogée de leur carrière, trois membres du club y mirent fin brutalement en refusant de se rendre à Berlin pour les Jeux Olympiques de 1936. Au delà du succès et du courage de ces athlètes, ce que j'ai voulu montrer, c'est aussi leur joie de vivre, leur énergie et leur formidable ouverture d'esprit. A travers leurs histoires singulières, nous découvrons un monde fascinant, depuis longtemps oublié ; leurs souvenirs d'enfance à Vienne, les liens forts qui unissent les membres du club, leur destin après avoir quitté l'Autriche, laissant derrière elles, familles et amis. Ces femmes nous racontent également avec beaucoup de dignité comment elles ont reconstruit une nouvelle vie à l'étranger. Des treize nageuses encore en vie, j'en ai choisi huit, dont je voulais raconter les histoires.
Elles ont grandi dans une Vienne intellectuellement vibrante, et ont dû, plus tard, fuir l'Autriche devant la brutalité des Nazis. Elles ont rejoint le club de l'Hakoah à la recherche de leur propre identité. Les expériences qu'elles y connurent influencèrent considérablement leur personnalité et leur vie… »

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L'histoire de la communauté juive à Vienne
Quand les Juifs se sont installés à Vienne il y a environ 1000 ans, ils ont été confrontés à des réactions diverses de la part de leurs voisins. L'attitude du gouvernement local oscillait sans cesse entre persécution religieuse et reconnaissance de leurs apports économiques. A la fin du 18e siècle, centre important de la vie juive par la large communauté qui la composait, Vienne était également le centre de l'édition en hébreu pour toute l'Europe Centrale. De 1847 à 1900, la population juive est passée de 6 000 à 147 000 individus, notamment suite à l'immigration venue de Galice, de Hongrie et du reste de l'Europe de l'Est. Cette évolution a provoqué des bouleversements au sein de la communauté juive. Des tensions ont émergé entre les orthodoxes et les partisans du sécularisme. Les opportunités sociales qui s'offraient soudain ont déclenché une forte tendance à l'intégration dans la société autrichienne.
Antisémitisme
En 1897, la ville s'est dotée d'un maire antisémite, Karl Lueger. L'empereur Franz Joseph refusa tout d'abord de collaborer avec Lueger, mais dut se résoudre à reconnaître le pouvoir du maire. Adolph Hitler, qui était alors un jeune habitant de la ville, se déclara plus tard influencé par Lueger.
En mars 1938, l'Autriche fut annexée par l'Allemagne nazie (l'Anschluss). La violence contre les Juifs éclata, avec le soutien de l'Etat et culmina avec la « nuit de cristal » (9 novembre 1938). Les magasins appartenant à des Juifs, les institutions et les synagogues furent assaillis et ravagés, et 6 000 personnes furent envoyées dans le camp de concentration de Dachau. Les lois racistes de Nuremberg furent renforcées, privant ainsi les Juifs de leurs libertés, et les forçant à porter une étoile jaune. Les Nazis encouragèrent l'émigration et près de 130 000 Juifs quittèrent le pays dont 30 000 pour les Etats-Unis.
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Histoire de l'Hakoah de Vienne
Introduction
Le 19e siècle fut marqué par un renouveau du goût pour le monde antique, notamment dans les arts et la représentation du corps, couronné par l'organisation des Jeux Olympiques de 1890 qui consacrèrent la modernité du sport. Plus tard, la création de l'Hakoah apporta un sentiment similaire au monde juif. Fondé pendant l'une des périodes les plus dramatiques et tragiques de l'histoire, l'Hakoah représentait la résurrection du corps juif, comme véhicule de l'identité communautaire et nationale.
Les débuts
Le principal fondateur fut le Dr Körner, dentiste et l'un des dirigeants juifs les plus importants à Vienne. Il fut le second président du club et un grand visionnaire sportif. Il y eut aussi le Dr Fritz Beda Löhner, poète lyrique et David Weinberg, le premier à soulever l'idée d'un club de sport juif.
Les premières années du club furent marquées par des dissensions internes à la communauté juive car la majorité influente rejetait l'idée de l'Hakoah, craignant qu'il mette en péril l'intégration des Juifs dans la société autrichienne, et même, qu'il alimente l'antisémitisme ambiant. Malgré les difficultés sociales et financières de l'Hakoah, son prestige grandissait dans toutes les couches de la communauté juive. A ses débuts, l'Hakoah se considérait comme un club autrichien et patriote.
Alors que le club maintenait sa politique en n'acceptant que des sportifs juifs, Körner engagea des entraîneurs britanniques de haut niveau, pour élever le niveau de l'Hakoah aux standards mondiaux.
Plus tard, les tournées de l'Hakoah en Palestine, en Egypte, aux Etats-Unis et dans toute l'Europe, apportèrent une immense fierté aux communautés juives du monde. La tentation de l'argent américain et l'essor de l'antisémitisme à Vienne poussèrent la plupart des sportifs à accepter les offres alléchantes de riches équipes américaines.
La section de natation
Tandis que l'équipe de football s'éparpillait, l'Hakoah se concentra sur d'autres sports et principalement vers la section natation qui domina les sports aquatiques autrichiens de 1922 jusqu'à l'Anschluss. Le club atteignit son apogée avec les succès remportés par les nageuses du club à la fin des années 1920 et durant les années 1930, dans les manifestations sportives les plus populaires d'Autriche. A cette période, le plus grand adversaire de l'Hakoah apparut : le club pro-nazi Ewask, qui tenta sans relâche d'empêcher le succès de l'Hakoah en mettant en doute l'affiliation nationale et la loyauté du club.
Au milieu des années 1930, ces tentatives de déstabilisation devinrent plus brutales et de nombreux événements sportifs furent gâchés par des manifestations antisémites violentes.
Face à l'adversité, l'Hakoah garda sa prédominance dans l'eau et les meilleurs jours de la section féminine de natation étaient encore à venir. En 1932, l'équipe accomplit un voyage important, du point de vue sportif et émotionnel, en se rendant aux premiers jeux Maccabiah, à Haifa Harbor en Palestine.
En 1934, une nouvelle star fit son apparition : Judith Deutsch. Au début de l'année 1936, Judith fut le premier membre de l'Hakoah à recevoir le Golden Badge d'honneur, un prestige qui revient chaque année aux trois meilleurs athlètes d'Autriche. Son statut de héros sportif national fut de courte durée : un an plus tard, elle fut interdite de compétition à vie et tous ses records furent effacés des registres officiels, conséquence directe de son refus courageux de participer aux Jeux Olympiques de Berlin. Ses co-équipières Ruth Langer et Lucie Goldner refusèrent elles aussi de s'y rendre.
Guerre et survie
Le 15 mars 1938, l'Allemagne nazie envahit l'Autriche sans rencontrer de résistance. Les lois de Nuremberg furent appliquées et les autorités firent rapidement dissoudre l'Hakoah. Rassemblant leurs immenses réserves de courage, le Dr Körner, le Dr Rosenfeld et Zsigo Wertheimer engagèrent une opération de sauvetage réussie grâce au soutien des salariés de l'Hakoah établis à Londres. La plupart des membres du club parvinrent à fuir Vienne et l'horreur nazie, pour renouer plus tard leurs liens en fondant la confrérie internationale Brit Hakoah 1909.
Ils perpétuèrent la tradition de l'Hakoah en fondant des clubs Hakoah dans leurs nouvelles patries : à New York, à San Francisco, à Tel Aviv, à Sydney et à Londres. Leur résistance et leur engagement ne suffirent pas à sauver tout le monde : 39 membres de l'Hakoah, parmi lesquels le fondateur Beda Löhner, trouvèrent la mort dans les camps de concentration.

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Fiche technique
Auteur, réalisateur : Yaron Zilberman
Co-Producteurs : Yonatan Israel, Yaron Zilberman et Philippa Kowarsky
Directeur de la photographie : Tom Hurwitz
Ingénieur du son : Tully Chen
Monteurs image : Ruben Korenfeld et Yuval Shar
Producteurs exécutifs : Amir Ben-Zion, Mojdeh Danial et Shlomo Israel
Producteur délégué : Paul Rozenberg
Production : Zadig Productions, Jetlag Productions, Yofi Films, Girls Club Film Project et Cinephil
Co-production : Arte et Orf
En association avec : Keshet Broadcast, Hbo Cinemax et le Cnc