• Nouvelle chance

Publié le par 67-ciné.gi-2006













Nouvelle chance comédie de Anne Fontaine









avec :
Danielle Darrieux, Arielle Dombasle, Jean-Chrétien Sibertin-Blanc, Andy Gillet, Christophe Vandevelde, Michel Baudinat, Katsuko Nakamura, Øystein Singsaas, Mariana Otéro, Philippe Storez, Xavier Morineau, Oscar Reillier, Nabil Massad, Poundo « Sweet » Gomis, Vanessa Navarro, Elisabeth « Ruby » Partouche, Johanna Suo, Adrien De Van, Docteur Henri Derman, Paul-Dao Zhang, Hanako-Lale Cetin, Hanako Cetin, avec la participation amicale de Jack Lang et un grand merci à Josée Dayan, Dominique Besnehard, Marc Lambron


durée : 1h30
sortie le 8 novembre 2006

***

Synopsis
Comment réunir des êtres aussi dissemblables qu’Odette Saint-Gilles, vieille actrice oubliée dans un centre d’accueil social… Augustin Dos Santos, garçon de piscine à l’hôtel Ritz… Bettina Fleischer, héroïne de feuilleton populaire… et Raphaël, jeune homme à la beauté troublante ?
Ensemble, auront-ils une nouvelle chance pour assouvir leurs rêves ?


***

Rencontre avec Anne Fontaine
Un sujet comme une rencontre
Anne Fontaine : « Deux de mes amis, Bernard Minoret et Claude Arnaud, avaient composé une pièce remarquable intitulée Les salons, adaptée de la correspondance de Madame du Deffand et Julie de Lespinasse. C’est la chronique d’un rapport passionné et destructeur entre deux femmes dans le contexte brillantissime des salons du XVIIIe siècle. Ils en avaient tiré un scénario et j’étais décidée à les aider, sans avoir l’intention de le mettre en scène. Philippe Carcassonne en avait les droits et j’en ai parlé à Pascal Houzelot. C’est lui qui m’a convaincue que j’étais celle qui devait le réaliser.
Dès lors, j’ai été prise entre l’envie de traiter cette histoire qui me touchait et une réserve qu’impliquait le film d’époque. Je ne me sentais pas assez à l’aise pour un film avec un contexte historique et j’avais peur d’y perdre une part de ma liberté. J’ai tergiversé quelque temps, puis j’ai malgré tout décidé de prendre le risque - à condition de trouver les deux actrices idéales.
Dans le rôle de Madame du Deffand, je n’imaginais personne d’autre que Danielle Darrieux. A mes yeux, elle est la quintessence de la légèreté tout en étant capable d’y mêler une vraie cruauté. J’étais certaine qu’elle pouvait rendre l’esprit persifleur et déroutant de Madame du Deffand, commettre ses méchancetés avec autant de grâce que de candeur.
Ma première rencontre avec Danielle m’a beaucoup marquée. Elle était étonnée qu’un metteur en scène de ma génération puisse penser à elle pour un tel personnage. Etrange coïncidence, elle avait d’ailleurs déjà croisé ce rôle plusieurs fois. J’ai été complètement charmée par sa personnalité, son énergie, le mélange de joie, de gaieté et de mélancolie totalement surmontée. Danielle est entièrement tournée vers l’avenir, elle a un rapport unique au temps. Plus j’avançais dans ce projet, plus je rencontrais des actrices talentueuses pour le rôle de Julie de Lespinasse et pourtant, je me sentais de plus en plus mal par rapport au carcan que constituait l’aspect historique. Puis j’ai réalisé
Entre ses mains et le projet a continué à évoluer en moi. Quand le moment de s’y mettre sérieusement est venu, je me suis sentie décalée: j’avais envie d’ironie et de second degré, ce qui était antinomique avec ce projet. Quelque chose ne me correspondait décidément pas. Bien que sensible aux sentiments et thèmes de l’histoire, je ne me voyais pas le faire. J’ai décidé d’aller voir Pascal Houzelot pour lui dire que je renonçais au projet. Je me suis sentie incroyablement libérée par cette décision. Pourtant, tout de suite après, j’ai songé aux grandes actrices qui m’avaient fait confiance et il me semblait impossible de prendre le téléphone pour annoncer à Danielle Darrieux l’abandon du projet ! Notre contact avait été si fort, j’avais tellement envie de travailler avec elle que je refusais de la perdre. Sur le trajet qui me conduisait chez Pascal Houzelot - dix stations de métro - un puzzle s’est mis en place dans mon esprit. Il y avait d’abord l’idée de ce metteur en scène excentrique qui allait rencontrer une actrice oubliée. J’ai raconté mon idée à Pascal, qui m’a donné son accord. Le lendemain, je suis allée revoir Danielle et je lui ai expliqué la nouvelle tournure du projet. Elle m’a regardée d’un air étonné, mais j’ai tout de suite décelé un accord tacite dans ses yeux... »


Autant de mondes que de personnages
A. F. : « J’ai écrit le sujet en trois mois avec Julien Boivent. Les éléments se sont assemblés avec l’idée que les personnages du XVIIIe siècle allaient infléchir le comportement des personnages de Nouvelle chance. Ce qui m’intéressait, c’était de rester absolument vivante et d’éviter le côté hermétique d’un langage de salon. Soudain, je n’avais plus aucun compte à rendre à personne. Je pouvais apporter une dimension comique, drolatique, à un sujet pourtant sérieux.
Trouver la limite avec la drôlerie sans basculer dans quelque chose d’incompréhensible était important. Le film parle aussi de quelqu’un qui s’accroche à son rêve. Au départ, on se dit que le personnage d’Augustin n’y arrivera jamais. Et d’ailleurs, il n’arrive pas là où on croit. Mais grâce à des rencontres, il parvient à fabriquer quelque chose. Son refus de la réalité, son obstination à ne pas vouloir céder ouvre d’autres voies. Il n’a pas les bonnes cartes, il n’a pas la bonne place mais ne renonce pas. Il n’en a même pas l’idée. Il a la foi des innocents.
Je savais que le film serait d’autant plus intéressant qu’un effet de miroir pourrait s’établir entre les personnages et les acteurs. J’ai donc décidé de leur en parler aussitôt et de construire le film en pensant à eux.
Odette Saint-Gilles est une actrice beaucoup moins célèbre que Danielle Darrieux. Elle a fait des fantaisies, des opérettes, des choses relativement dérisoires, et elle a le regret de ne pas avoir joué un rôle
sérieux. Là encore, c’est tout à fait différent de Danielle.
Danielle savait que je faisais aussi ce film pour elle, que j’en avais le désir. Voir une femme de cet âge dans un tel éclat ! On lit sa vie sur son visage. Etre actrice, c’est incarner, rendre la vie, et Danielle a ce don précieux.
J’ai rencontré Arielle Dombasle au Ritz, dans le décor du film. Je devinais qu’entre Jean-Chrétien et elle, il y aurait un rapport à la fois saugrenu et pourtant évident. Arielle a en plus le talent rare de mettre tout le monde à l’aise. Elle est totalement démocratique. Il me semblait donc possible que mon histoire, la fantaisie qui s’en dégageait, puisse l’intéresser. En l’approchant davantage, j’ai aussi découvert une dimension plus touchante. Au-delà de son côté petite fille se cachent aussi une mélancolie, un recul sur la vie que j’ai voulu faire transparaître.
Jean-Chrétien, mon frère, suit un peu ce que je fais et il connaissait l’univers des
salons. L’idée était aussi de rebondir sur le personnage d’Augustin. Le rôle et l’acteur ont besoin de liberté. Ces deux expériences m’ont permis d’adopter une autre voie dans la façon d’écrire, de concevoir et d’intégrer le réel dans le film.
J’ai rencontré Andy Gillet lors d’un dîner – où il n’aurait pas dû se trouver ! C’était à peu près à l’époque où j’avais décidé de transférer l’histoire et je n’avais pas encore écrit son personnage. Au départ, sans même savoir qu’il était jeune comédien, j’ai été attirée par son physique, ce visage entièrement équilibré aux traits incroyablement fins. Je lui ai demandé de faire des essais.
J’ai commencé par écrire la structure de l’histoire sans en parler aux comédiens mais rapidement, nous y avons travaillé ensemble. Comme je le fais toujours, j’ai étudié avec chacun la courbe de son personnage. Nous avons aussi abordé les dialogues et les situations. Avec Jean-Chrétien, j’ai fait quelques répétitions à propos du spectacle pour voir ce qu’il donnerait comme metteur en scène de théâtre.


L’idée était d’être souple. La structure et les enjeux existaient, mais les dialogues et les situations devaient pouvoir s’adapter. La scène où Danielle, Jean-Chrétien et Arielle écoutent
Fascination en est un bon exemple. Danielle a réellement interprété cette chanson à l’époque mais au départ, elle refusait l’idée même de chantonner sur le disque. Peu à peu pourtant, je l’ai convaincue et en improvisant, en approchant, elle s’est laissée aller. Dans un effet de miroir assez troublant par rapport à sa réalité, elle fait surgir une vraie émotion. Avec Arielle, il y a eu une véritable collaboration. C’était un processus vivant, très spontané. Cette démarche ouverte a parfois permis d’apporter des choses ou d’en ajuster d’autres. Avec Caroline Champetier, qui n’était pas seulement la directrice photo mais aussi ma partenaire privilégiée pour tout l’univers visuel, nous nous sommes efforcées de nous adapter constamment à la réalité des personnages et de leurs relations. Je me souviens de la scène où Bettina/Arielle embrasse le jeune homme derrière une porte en tenant des propos cruels à l’égard de Odette/Danielle, qui les surprend. Une confrontation d’une page et demie devait suivre, mais Danielle et Arielle ne s’en sortaient pas ! Je les sentais peu à peu se révolter contre le texte. Après deux heures de doutes, j’ai compris que le texte, pourtant bien écrit, pléonasmait la situation et qu’il fallait tout simplement essayer le silence. La scène est devenue muette, se terminant sur le visage meurtri de Danielle. Il faut écouter l’instinct des acteurs sur les textes. Il faut leur faire confiance sans se laisser tromper par les moments de découragement qu’ils peuvent avoir.
A mes débuts, j’ai été comédienne - assez peu convaincante d’ailleurs. J’ai donc une sympathie toute particulière pour les acteurs, dont je sais la fragilité. L’acteur est son seul instrument. Pour être bon au cinéma, il faut que quelque chose vous échappe. C’est ce rapport à la maîtrise et à l’abandon qui est passionnant. Même dans le métier de metteur en scène, il faut l’accepter. Cela peut parfois engendrer des miracles, ou le pire ! Ce rapport entre la volonté de maîtrise et le désir de laisser surgir est une des difficultés du cinéma.
»

Le tournage
A. F. : « Pour des raisons de disponibilité du lieu, nous avons commencé par les scènes du Ritz. Personne n’avait jamais tourné à l’intérieur du Health Club mais nous ne pouvions en disposer que pendant deux jours et demi. Nous étions tout de suite au coeur du sujet. Danielle ne s’était pas baignée depuis dix ans et elle appréhendait d’aller dans l’eau. Je ne l’ai pas forcée, nous y sommes allés petit à petit. La scène de rencontre aquatique avec le personnage d’Arielle me paraissait essentielle et très représentative des idées insolites d’Augustin. Finalement, Danielle l’a fait et ce premier obstacle franchi en confiance a détendu bien des choses.
Danielle dit les textes de Madame du Deffand avec une telle modernité que l’on ne sait pas toujours qu’il s’agit d’un classique ! Elle a cette grâce merveilleuse. Elle peut passer du langage familier aux formules de Madame du Deffand dans la même phrase. Elle maîtrise totalement le rythme. Je m’en étais déjà rendu compte en la voyant jouer dans Madame de…. C’est vraiment un pur animal de cinéma ! J’ai tourné avec pas mal d’acteurs, et j’en ai été frappée. Je l’ai encore constaté en tournant avec elle. Elle sait se placer, dire, faire ressentir. Elle a gardé quelque chose de très enfantin. Son jeu n’est pas cérébral, elle sait s’adapter à son partenaire et reste très à l’écoute.
Je trouvais intéressant que le personnage d’Augustin puisse aller braver quelqu’un comme Jack Lang, qui représente l’establishment et la culture. Augustin l’aborde avec autant de naturel et de liberté que s’il croisait n’importe qui dans la rue ! Sans être improvisée, cette scène avait été très préparée mais pas complètement écrite. J’avais demandé à Jack Lang de s’adapter à tout ce que lui dirait le personnage. Le contraste de la rencontre, le côté dérisoire de ce contact pour obtenir un petit lieu de répétition m’intéressait. Je trouvais amusant qu’Augustin ne dise pas la raison de sa venue et arrive, grâce à ses circonvolutions, à attirer l’attention.
Au départ, l’idée de l’église ne figurait pas dans le scénario. Je luttais contre tout ce qui pouvait évoquer un théâtre par peur de retomber dans le côté sérieux des salons. C’est alors que j’ai eu le déclic de l’église – peut-être parce que mon père est organiste et que dans ma jeunesse j’ai beaucoup vécu dans les églises. Le fait de répéter dans une église amenait une autre époque, un décor qui échappe au temps. Comme pour la maison japonaise, c’est Jean-Chrétien qui a trouvé le décor. C’était aussi une façon de le mettre dans une position de metteur en scène. A travers cet aspect-là, à travers lui, je voulais exprimer d’une manière exacerbée quelque chose que je ressens. En tant que metteur en scène, je me sens souvent confrontée à une voix intérieure qui conteste ma légitimité, qui se demande si ce que je propose sera accepté.
Le film est un peu une fable. Augustin va avoir une influence profonde sur la vie de chacun, par sa folie, son projet insensé, tout en restant fidèle à ce qu’il est. Augustin a plus d’effet sur la vie des autres que sur la sienne. Il va révéler à Odette tout ce qui lui est encore possible à quatre-vingt-neuf ans. En tentant de bricoler un spectacle pour des Suédois, il lui redonne la vie. Sa folie engendre une aventure humaine. Au fond, il aurait pu être son fils. Il arrive aussi dans la vie de Bettina au moment où elle a besoin d’un nouveau souffle. Et il infléchit le destin du jeune garçon qui va passer du statut d’employé dans un foyer à celui de jeune premier. De tout cela, Augustin ne retire que des émotions, des rencontres. Il n’a rien à faire de la réussite telle qu’on l’imagine dans la société.


Réussir, pour lui, c’est aller au bout de ses idées, de ses rêves, en contournant à sa façon tous les obstacles. La difficulté pour moi était de garder un ton léger et amusant, mais avec une densité qui se révèle dans la dernière partie du film. Le personnage de Danielle pose alors la question du temps. J’en étais un peu consciente, mais je l’ai surtout ressenti en la voyant. On ne peut pas expliquer complètement ce qu’exprime le regard de Danielle. Elle hésitait à chanter la chanson de Trenet, La folle complainte. Elle avait peur de mal le faire. Cette fragilité même était belle. Je savais que nous trouverions une solution. Chanter est très difficile, impudique, mais Danielle est magnifique et elle l’a très bien fait. J’avais choisi cette chanson peu connue parce qu’elle contient toute la courbe du sujet du film. Elle débute dans la légèreté et finit par aborder la fin de vie.
Les comédiens ont joué jusqu’au bout ce jeu de cache-cache entre leur vérité et celle des personnages. Pour ma part, même si un tournage est toujours une forme de souffrance, je garde de ce film un incroyable sentiment de liberté et de plaisir.
»

***

Fiche technique
Mise en scène : Anne Fontaine
Scénario et dialogue
: Anne Fontaine et Julien Boivent
Image et direction artistique
: Caroline Champetier ( afc – asc)
Son
: Jean-Claude Laureux et Daniel Sobrino
Montage
: Isabelle Dedieu
Scripte
: Muriel du Boisberranger
Décors
: Pascale Consigny
Costumes
: Tess Hammami
Maquillage
: Marie Lastennet
1er assistant
: Jérôme Zajdermann
Régie
: Claire Langmann
Direction de production
: Brigitte Faure
Produit par
: Pascal Houzelot et Philippe Carcassonne
Production Mosca Films – Ciné B – France 2 Cinéma – Sedif
Avec la participation de
: Films Distribution et Haut et Court Distribution en association avec la Sofica Soficinema 2 et avec le concours du Centre National de la
Cinématographie et la participation de Canal + et Cinécinéma
Une distribution Haut et Court
Ventes Internationales : Films Distribution
Entretiens : Pascale et Gilles Legardinier

***



présentation réalisée avec l’aimable autorisation de


remerciements à
Carolyn Martin-Occelli, Marie Respingue,
Marion Tharaud, Martin Bidou et Christelle Oscar
logos, textes & photos © www.hautetcourt.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article