• Transylvania

Publié le par 67-ciné.gi-2006













Transylvania drame de Tony Gatlif





avec :
Asia Argento, Amira Casar, Birol Ünel, Alexandra Beaujard, Marco Castoldi et Beata Palya

durée : 1h43
sortie le 4 octobre 2006

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Synopsis
Zingarina arrive en Transylvanie, au coeur de la Roumanie, à la recherche de l'homme qu'elle aime. Elle l'a connu en France, mais il l'a quittée précipitamment, sans un mot d'explication…
Accompagnée de son amie Marie, qui veille jalousement sur elle, Zingarina se jette à corps perdu dans sa quête amoureuse et se laisse happer par un pays qui la fascine. Mais quand elle retrouve son ancien amant en pleine fête païenne, il la repousse brutalement. Folle de douleur, elle abandonne alors Marie, qui lui rappelle son passé, pour se fondre toute entière dans cette terre nouvelle, la Transylvanie, où elle rencontre Tchangalo, un homme seul, comme elle, sans frontière et sans attache…


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Entretien avec Tony Gatlif
- : « Transylvania commence là où la plupart des histoires d'amour se terminent … »

Tony Gatlif : « C’est vrai. Ce qui m'intéressait, c'était de savoir ce qu’il adviendrait de Zingarina après la rupture et si elle en guérirait jamais. J'avais depuis longtemps l'idée d'un film sur une femme qui part au bout du monde pour retrouver l'homme qu'elle aime. Il se trouve que dans Transylvania, elle retrouve son amant et il l’abandonne. Pour autant, je ne voulais pas d'une femme qui sombre au fond de l'abîme, mais d'une protagoniste combative. Il fallait qu'elle nous surprenne et nous entraîne vers la lumière et l'espoir. Ma rencontre avec Asia Argento a été déterminante à cet égard : je l'ai immédiatement perçue comme une guerrière passionnée apportant un mélange d'assurance et de fragilité à Zingarina. Je fais toujours appel à des comédiens - connus ou pas - qui imprègnent leurs personnages de leur vécu, de leur personnalité... »

- : « On ressent d’ailleurs cette authenticité dans Transylvania »

T. G. : « Dans mes films, je n’aime pas qu'on perçoive le dispositif de mise en scène et le travail du cadre. Du coup, je tente de donner un maximum de liberté aux comédiens - tout en étant très précis dans mes consignes. Je m'arrange pour que les acteurs s'approprient complètement le parcours de leur personnage. Il arrive même un moment où la frontière se brouille entre interprètes et personnages, entre réalité et fiction. On en oublie alors la lumière, les décors et les costumes… »

- : « Parlez-nous de la Transylvanie, terre de superstitions et de rituels païens… »

T. G. : « La Transylvanie me fascinait car c'est une terre à la confluence de la Russie, de la Hongrie et de la Roumanie, où cohabitent plusieurs communautés. On y croise ainsi des roms, des hongrois, des roumains et des allemands qui parlent plusieurs langues : j'étais très attaché à l'idée que le film se déroule dans une atmosphère métissée où les communautés se partagent le territoire pacifiquement et parlent une langue qui leur est propre. J'ai grandi à Alger où les gens s'exprimaient en empruntant aussi bien à l’arabe, l’espagnol, l’italien, le français ou le maltais et réinventaient un langage fabuleux. »

- : « Vous montrez aussi de la Transylvanie des paysages industriels désolés. »

T. G. : « La Roumanie est un pays sorti du communisme depuis peu de temps. C'est une terre massacrée par le totalitarisme où des routes traversent des paysages hallucinants de centrales, d'usines désertes et de bâtiments en béton toujours en construction depuis la chute de Ceausescu. Cela crée une atmosphère fantomatique qui rajoute au mystère propre à ce pays : ce ne sont plus les châteaux perchés sur des collines hantés par Dracula qui font peur, mais ces paysages urbains staliniens qui ont poussé au milieu des routes. C'est là qu'est la vraie sorcellerie d'aujourd'hui. J'ai une grande affection pour la Roumanie et pour les roumains: un peuple accueillant proche du peuple andalou par son goût de la fête. Il est en train de naître une nouvelle génération de cinéastes roumains qui va s'imposer très vite, dans le monde, dans les années à venir. »

- : « Cette terre enneigée semble aussi vous avoir inspiré… »

T. G. : « C'est un paysage aux confins de la Moldavie, totalement fascinant ! Là-bas, tout n'est que glace, givre, brouillard et neige. C'est un lieu mystérieux où peuvent surgir soudain un traîneau, un chien ou une voiture, sans qu'on sache d'où ils viennent… »

- : « … et qui donne au film sa dimension fantastique. »

T. G. : « C'est la vie, là-bas, qui est fantastique ! »


- : « Le film est parsemé de signes qui vont dans ce sens… »

T. G. : « Des signes à peine perceptibles qui se répondent et annoncent que quelque chose va se passer. Comme l'oeil dans la main de Zingarina, par exemple : elle ne supporte pas le regard des autres et elle s'est dessinée cet oeil dans le creux de sa main pour renvoyer leur regard à ceux qui la dévisagent. Quand elle referme la main, une barrière de chemin de fer se baisse, bloque la route. Ce signe va changer sa vie… Zingarina - comme Asia Argento d'ailleurs - est fascinée par les signes. »

- : « C'est la première fois qu’une femme a le rôle principal dans un de vos films. »

T. G. : « Avant, j'écrivais plutôt des histoires d'hommes parce que je m'y projetais systématiquement. Avec Transylvania, pour la première fois j'ai eu le sentiment de filmer l'âme d'une femme à travers Asia Argento. Je l'ai filmée comme un homme amoureux qui part de l'âme pour ensuite dévoiler la beauté du visage. Zingarina a une âme changeante, et le visage d'Asia se métamorphose progressivement au cours du film : elle est sombre et habitée au début, puis de plus en plus lumineuse vers la fin… »

- : « Quel genre de comédienne est Asia Argento ? »

T. G. : « Dans Transylvania, Asia ne se protège pas pendant le tournage, ni physiquement, ni psychologiquement. Elle donne tout. Elle s'expose dans le froid extrême ou dans le vent sans se soucier de son visage. Elle se livre totalement sans aucune retenue. J'ai ressenti sa participation au film comme un magnifique cadeau. Du coup, je me suis senti une incroyable responsabilité vis-à-vis d'elle. Asia possède une force rare que je n'ai rencontré que chez les gitanes. »

- : « Comment dirigez-vous les comédiens ? »

T. G. : « Je ne leur donne pas le scénario à lire. Je les préviens seulement la veille pour le lendemain qu'on va tourner telle ou telle scène. Par exemple, quand j'ai dit à Asia qu'on s'apprêtait à filmer la séquence de l'exorcisme, je lui ai livré un minimum d'informations pour qu'elle ne se "prépare" pas à la scène. Le jour du tournage, lorsque Asia s'est retrouvée entourée par les habitants du village, face au pope, avec une bouteille d'huile dans une main et une bougie dans l'autre, elle ne jouait plus. Tout d'un coup, au milieu des chants des villageois et des paroles du pope, on lui a renversé du lait sur la tête - sans qu'on n'ait jamais répété cette scène au préalable ! On a eu très peur de la réaction des villageois car le lait a dévoilé son corps dans l'église. Mais par prudence j'avais demandé aux figurants de baisser la tête et de ne jamais la relever ! »


- : « Quels ont été vos choix musicaux ? »

T. G. : « J'ai fait un voyage à travers toute la Transylvanie, très en amont de l'écriture du scénario, pour effectuer mes "repérages musicaux". J'ai découvert des sonorités extraordinaires qui m'ont totalement possédé ! Mais, dans le même temps, je ne voulais surtout pas d'une musique "ethnique" pour le film. Du coup, avec Delphine Mantoulet (qui avait aussi travaillé sur Exils) nous avons d'abord composé une partition originale, puis nous avons fait appel à 80 musiciens que j'avais rencontrés sur place pour les enregistrements. Par conséquent, au moment du tournage, je disposais déjà de la musique : c'est la première fois que je fonctionne ainsi, et je crois que ça m'a permis d'être plus concentré avec les comédiens et les techniciens. La musique irrigue tout le film. »

- : « Mais vous montrez aussi qu'elle peut être étouffante… »

T. G. : « La musique peut être démoniaque et vampirisante, comme une drogue. Elle devient alors douloureuse parce qu’elle obsède et habite les êtres. D'ailleurs, dans la plupart des cérémonies, les musiciens tziganes de Transylvanie vont jusqu'à la transe. »

- : « Le film est placé sous le signe de la danse et de la transe, déjà présentes dans Exils. »

T. G. : « C’est le cas de beaucoup de mes films… Dans Transylvania, la danse enveloppe toute la première partie, puis, dans la deuxième partie, c’est la transe qui prend le relais…Mais ce qui différencie la transe de la danse, c'est que la transe, elle, va jusqu'au bout. L'exorcisme relève du même phénomène : il faut aller au bout de soi pour oser sortir tout ce qu'on a au fond de son être. Zingarina en fait l'expérience pour exorciser son mal-être. Après cette expérience, elle reste un moment totalement déconnectée de la réalité jusqu'à ce que la vie la rattrape et reprenne enfin ses droits. »

- : « Comment avez-vous travaillé le cadre et la lumière ? »

T. G. : « C'est le troisième film que je fais avec la chef-opératrice Céline Bozon. Elle non plus n'a peur de rien ! Elle n'hésite pas à monter sur une échelle en portant une caméra Scope de 30 kilos pour tourner un plan ou à grimper sur les épaules d'un type gigantesque pour se hisser au-dessus de la foule… Quant aux éclairages, nous voulions des tons mystérieux, dans les rouille et les ocre. J'ai garanti à Céline qu'on tournerait l'essentiel du film à la tombée de la nuit, "entre chien et loup". C'est très difficile parce que c'est un moment qui ne dure qu'une vingtaine de minutes. Ces instants rares où le ciel est bleu et la terre sombre, sont, pour moi, habités par la lumière du mystère. »

- : « Comment pourriez-vous définir le personnage de Marie que joue Amira Casar ? »

T. G. : « Au départ, je voulais que Marie, par amour pour Zingarina, la vampirise au point de tenter de lui ressembler en toute chose : elle admire tellement cette femme qui va jusqu'au bout du monde pour retrouver l'homme qu'elle aime qu'elle veut la protéger malgré elle. La façon dont Amira a pris Marie à bras le corps, était très impressionnante. Il y a des photos du film où on a du mal à distinguer Asia d’Amira. Elles étaient comme deux soeurs… Mais quand Tchangalo entre en scène, il m'a semblé nécessaire que Marie s'efface parce que Zingarina doit se défaire de tout ce passé qui l'encombre pour aller vers sa nouvelle vie… »


- : « Pourquoi avez-vous choisi Amira Casar pour le rôle de Marie ? »

T. G. : « J’aime sa vitalité et son optimisme. C’est très important pour moi car c’est une actrice avec qui je me sens bien. Amira est une comédienne généreuse qui m'a fait confiance. Elle est allée au bout du personnage de Marie. J'étais triste le jour de son départ dans le film (scénario oblige). J'avais vraiment envie de continuer la route avec elle. »

- : « Comment avez-vous choisi Birol Ünel, principal interprète de Head-On ? »

T. G. : « Je l'avais trouvé formidable dans Head-On, mais je ne voulais pas qu'il joue de la même façon : il ne fallait pas qu'il soit violent, mais vulnérable. Il me fait penser au personnage d'Izidor Serban dans Gadjo Dilo ou à celui de Gérard Darmon dans Les Princes. Birol est comme un cheval sauvage imprévisible. Lui non plus ne s'est pas protégé pendant le film. C'est un homme qui ne se ment pas, un acteur entier : il est libre. »

- : « Quel est votre regard sur Tchangalo ? »

T. G. : « Pour moi, il incarne l'homme chassé de sa tribu, sans frontière et sans attache. Banni de sa communauté, il n'a pas besoin des autres mais sent bien, au fond de lui, qu'il ne peut pas vivre indéfiniment en solitaire. Sa rencontre inattendue avec Zingarina le force à en prendre conscience. C'est une prise de conscience douloureuse : quand il tombe amoureux d'elle, il se flagelle parce qu'il ne peut accepter l'idée qu'il est finalement comme tout le monde… Je pense que c'est le personnage qui me ressemble le plus. »

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Fiche technique
Réalisation et scénario original : Tony Gatlif
Directrice de la photographie : Céline Bozon
Son : Philippe Welsh
Musique originale : Tony GATLIF / Delphine Mantoulet
Enregistrement musique : Emmanuel Gallet, Philippe Welsh et Jérôme Boulle
Mixage : Dominique Gaborieau
Montage image : Monique Dartonne
Montage son : Adam Wolny
Décors : Brigitte Brassart
Directeur de Production : Christian Paumier et Doru Mitran
1er Assistante réalisatrice : Sonia Larue
Directrice de casting : Eve Guillou
Costumes : Rose-Marie Melka
Maquillage : Laurence Grosjean
Régie : Luc Martinage et Doru Stan
Une production : Princes Films
En coproduction avec : Pyramide Productions
Avec la participation de : Canal + et Tps Star
En association avec la : Sofica Soficinema 2
Avec la participation du : Centre National de la Cinématographie

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de


remerciements à Laurence Gachet et Vincent Denègre
logos, textes & photos © www.pyramidefilms.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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